Architecte de la Cité de la Musique, récompensé par le Grand Prix d’architecture en 1993 et le Pritzker Prize en 1994, Christian de Portzamparc vient d’achever trois projets aussi importants par leurs dimensions que différents dans leurs exercices de style.
Concours remporté en 1993, l’ellipse élégante de la cité judiciaire de Grasse voit enfin le jour dans la ville natale de Fragonard. Horloge solaire crantée par ses brise-soleil verticaux, son ovale, qui vient dégrader en douceur l’ombre et la lumière rasantes, permet en outre d’accrocher l’œil, de faire signal. D’un travertin ocre, la façade pénale sud ménage quelques fentes vraiment « meurtrières », et irradie d’une aura dorée à laquelle ne seront pas indifférentes les brigades financières ! La deuxième livraison concerne l’extension du Palais des Congrès de Paris, où vient se loger ce mois-ci l’étude de commissaires-priseurs Poulain-Le Fur. Cette greffe consiste à optimiser les locaux administratifs et la sécurité ainsi qu’à augmenter la capacité du vaste bâtiment de la très inhospitalière porte Maillot. Trait pour trait, ce projet a consisté à relifter le bunker-palace existant en y apposant un masque de beauté. Portzamparc a déployé une monumentalité très intelligente, répondant à la fois aux contraintes complexes du site et du programme et à leurs possibilités et qualités intrinsèques. Loin d’être une solution de facilité, la scénographie fut une attitude spectaculaire répondant, d’une part, à l’exceptionnelle visibilité de cette vaste porte urbaine à la croisée du grand axe historique de Paris et des périphériques et, d’autre part, à l’impératif inhérent à tout lieu de spectacle, potentiellement monumental de jour et toujours animé en soirée. C’est ainsi que fut calée la mise en scène diurne et nocturne.
De jour, cette gigantesque muraille aveugle accroche l’œil selon trois aspects distincts. D’abord en raison de l’étonnante impression de lévitation résultant de sa massivité monolithique. Ensuite, en raison de l’équilibre visuel instable d’une obliquité en passe de vous tomber dessus. Enfin, en raison d’un rusé calepinage, biais et baroque, trompant volontiers le regard. Perçu de façon contemplative ou en mouvement, cette sculpture cinétique fait également office de mur spectaculaire : double écran « anti-son et lumière ». En effet, comme Portzamparc l’avait déjà fait pour l’École de la Cité de la Musique, ce mur anti-bruit fait écran aux rumeurs automobiles en les rabattant grâce à sa texture minérale réfléchissante et à sa position inclinée vers le sol. Il n’empêche que, de nuit, sa texture de terrazzo lisse et bouchardé devient un traditionnel écran de projection annonçant les festivités.
La dernière réalisation se devait – de par son commanditaire et l’image que se font les New-Yorkais de la France – d’incarner une certaine conception de l’élégance et du luxe. Sur la 57e rue de Manhattan, mitoyenne de la Tour Chanel et à deux pas des autres boutiques des grands noms de la mode, le groupe LVMH (Louis Vuitton-Moët Henessy) désirait un siège, un gratte-ciel à la hauteur de ses ambitions outre-atlantique. Côté choc, Portzamparc avait déjà tenté un essai assez disgracieux en enjambant les voies ferrées d’EuraLille, puis élaboré un magnifique projet resté dans les cartons pour un complexe culturel Bandaï à Tokyo. Côté dessous chic, un aménagement de boutiques pour Ungaro, le Musée Bourdelle et le Café Beaubourg à Paris. À Manhattan il signe un gratte-ciel de 23 étages développant une ligne quasi-vestimentaire alliant luxe et féminité. Sensuels effets d’échancré, vapeurs de verre sablé, coupe stricte des menuiseries métalliques aux coutures invisibles. Du siège du groupe LVMH, cette tour devient l’étonnant fleuron, l’originale épure d’un « patron des patrons » !
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Portzamparc 1999, un grand cru
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°511 du 1 novembre 1999, avec le titre suivant : Portzamparc 1999, un grand cru