Disparition

Pierre Staudenmeyer

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 18 juillet 2007 - 564 mots

Spécialiste du design et de son histoire, il avait ouvert à Paris les galeries Neotu puis Mouvements modernes.

PARIS - Fondateur de la mythique enseigne de design Neotu, puis de la galerie Mouvements modernes, Pierre Staudenmeyer s’est éteint le 5 février à l’âge de 54 ans des suites d’un cancer du pancréas. Cet homme complexe, au verbe précis et caustique, se distinguait de la plupart de ses confrères. « Il ne cherchait pas à faire du chiffre d’affaires, mais un travail intellectuel de fond. Il fut une référence avant que le design ne devienne un produit de luxe », rappelle le designer Arik Levy. De ses études de psychanalyse, il avait gardé un sens de la contradiction et un goût du décryptage appliqué aux faits de société en général et au design en particulier.
De 1981 à 1984, Pierre Staudenmeyer travaille avec l’antiquaire et décorateur Yves Mikaeloff. « Il était précieux car il n’y avait pas chez lui de rupture entre le monde contemporain et le XVIIIe siècle, pas plus qu’entre l’Orient et l’Occident, rappelle Yves Mikaeloff. Il est rare de trouver quelqu’un qui soit à l’aise dans les deux mondes. » En 1984, il fonde avec Gérard Dalmon la galerie Neotu, installée d’abord rue de Verneuil (Paris-7e) puis rue du Renard (Paris-4e). Il édite avec le concours d’artisans des pièces en série limitée, voire uniques, de jeunes créateurs comme Elisabeth Garouste & Mattia Bonetti, Martin Szekely, François Bauchet, Pucci de Rossi ou encore Sylvain Dubuisson. L’éclectisme sera le maître mot d’un programme où le baroque le dispute à la sobriété. Neotu édite certaines icônes telles la chaise Barbare de Garouste & Bonetti ou la bibliothèque Hommage à Charlotte de Ronan et Erwan Bouroullec. Staudenmeyer cherchera aussi à exporter ses poulains à New York en y animant une antenne entre 1990 et 2001. Ses relations avec les créateurs ne furent toutefois pas exemptes de frictions. « Il suscite en moi un mélange de respect et d’intimidation, confie le designer Ronan Bouroullec. Il a eu un rôle important, mais son point de vue était partiel. Son approche, qui était celle du designer-auteur artisanal, occultait certains enjeux importants de notre profession. » Après des démêlés avec son associé aboutissant à la fermeture de Neotu en 2001, Staudenmeyer remet rapidement le pied à l’étrier avec la création de la galerie Mouvements modernes, sise rue Jean-Jacques Rousseau (Paris-1er). Bien que d’un abord parfois abrupt, voire élitaire, il se souciait suffisamment de pédagogie pour s’adonner à l’enseignement d’une part, à la publication d’autre part, en dirigeant notamment la collection « design » aux Éditions Dis Voir. L’homme regardait aussi dans le rétroviseur en exhumant la céramique des années 1950, avec la direction d’un ouvrage-jalon publié aux Éditions Norma en 2001. Il avait depuis plusieurs années en projet un livre sur les luminaires de Gino Sarfatti.
Pierre Staudenmeyer se montrait volontiers sévère face aux dérives d’un design oublieux de sa fonction. « Cette mode, qui consiste à décontextualiser le design de ses moteurs d’origine (le service rendu à l’usager ou la recherche expérimentale de nouvelles réponses domestiques à de nouveaux modes de vie), n’est finalement que le renouvellement infini dont s’est toujours nourrie la décoration, dite grande », avait-il un jour écrit. En exposant dans la section design de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), il jouait pourtant sur la porosité entre l’art et le design tout en s’en défiant.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°253 du 16 février 2007, avec le titre suivant : Pierre Staudenmeyer

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