Par ses collages, gravures et dessins lilliputiens, Philippe Favier suggère des récits, des contes de fées. Autant d’images qui stimulent notre imagination.
Il y en a qui se retirent dans leur tour d’ivoire ; lui, il s’isole dans son château d’eau. Quand il n’a plus envie ni de croiser son prochain, ni d’entendre les rumeurs de Saint-Étienne – la ville où il est né en 1957, où il vit et travaille – mais qu’il aspire à s’extraire du monde pour le contempler à distance, Philippe Favier a trouvé la parade. Il va se réfugier en rase campagne, au beau milieu des champs, dans ce drôle de champignon qu’il a acquis voilà déjà quelques années. L’artiste s’y fait ermite et, du haut de sa tour, il peut tout à sa guise faire et refaire le monde. Depuis plus de vingt ans qu’il est apparu sur la scène artistique avec ses incroyables collages lilliputiens mettant en scène toutes sortes de saynètes de la grande comme de la petite histoire, Favier qui accorde au conte et à la fable une place de premier choix ne cesse d’expérimenter supports et matériaux. Ainsi, au fil du temps, il a orchestré de la pointe de son stylo Bic de très nombreuses batailles rangées, il a gravé sur le plat de boîtes de conserve des théories de religieuses embarquant pour l’île aux Moines, il a peint à l’émail froid sur verre toute une série d’aquariums, il a décliné sur cartoline sérigraphiée les aventures d’une nommée Betty, il a multiplié les images de vanités peintes à l’acrylique sur bois, etc. L’art de Philippe Favier tient autant de la miniature qu’à la lecture de Micromégas de Voltaire, à l’exemple d’un Jacques Callot qu’à un travail de minutie horlogère, de l’attitude d’un Opalka qui peint l’ensemble des nombres entiers naturels qu’à celle d’un artisan diamantaire qui taille une pierre précieuse. Il y va d’une même obsession du détail, d’une même vision microscopique et infinie du monde, de la même volonté d’en offrir une image inédite.
Contes et légendes
Mais d’où sort donc l’incroyable foule de personnages qui peuplent ses images ? D’où lui viennent ces figures diaboliques qui grimpent à l’assaut du rideau de théâtre de Monte-Carlo ? De quelle expérience cosmique procède cette invasion de petites maisons célestes qui constellent sa vision de Gramercy Park ? Qu’est-ce qui a bien pu le conduire à imaginer cet abécédaire d’idéogrammes abstraits mis en œuvre pour les vitraux en lithophanie de porcelaine de l’église de Jabreilles-les-Bordes dans la Haute-Vienne ? Vrai, chaque fois que l’on se trouve en présence d’une œuvre, ou d’une série d’œuvres, de Favier, on est saisi par cette étonnante capacité de l’artiste non seulement à inventer des histoires mais à leur trouver une matérialité chaque fois singulière. Mais ne nous y trompons pas, Favier ne raconte pas vraiment des histoires, il se contente de suggérer des récits, d’en ébaucher des séquences, d’en brosser le décor, de les souligner de quelques mots, pour exciter aussitôt notre imaginaire et lui laisser libre cours. Comme il en est de cette Géographie à l’usage des gauchers qui articule sa dernière création présentée à Lyon et réalisée en toute complicité avec le public. En aucun cas, Philippe Favier ne cherche à illustrer quoi que ce soit d’un scénario, il cherche seulement à faire signe. À charge pour nous d’investir ses images en toute liberté. Si son travail a rapport à l’écriture, c’est que Favier n’a jamais caché avoir toujours été fasciné par l’idée de signe et qu’enfant, il courait déjà les bibliothèques « à la recherche de tous les signes possibles, des écritures sumériennes aux symboles électroniques, en passant par le braille et les fanions de
marine. » À l’approche de la cinquantaine, Philippe Favier n’a rien perdu de cette capacité à la découverte et son œuvre demeure le lieu de tous les émerveillements.
« Philippe Favier – Géographie à l’usage des gauchers », LYON (69), musée d’Art contemporain, Cité internationale, 81 quai Charles de Gaulle, VIe, tél. 04 72 69 17 17, 18 juin-15 août.
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Philippe Favier, le monde vu de haut
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°570 du 1 juin 2005, avec le titre suivant : Philippe Favier, le monde vu de haut