Tefaf Maastricht est traditionnellement un haut lieu du marché de la peinture ancienne
- Sélection parmi les chefs-d’œuvre de l’édition 2008.
Triptyque, le Maître des effigies dominicaines, vers 1310-1315, 59 x 47,8 cm (ouvert). Galerie Sarti, Paris.Prix : 450 000 euros
Si ce triptyque aux fonds d’or n’est pas la pièce la plus spectaculaire présentée par la Galerie Sarti à Tefaf, il est sans doute la plus ancienne. Donnés à Taddeo Gaddi dans une vente Christie’s à Londres en 1942, les panneaux ont trouvé leur attribution au Maître des effigies dominicaines dans un article publié par l’historien de l’art Richard Offner en 1957. La pièce centrale représente la Vierge et l’Enfant flanqués de quatre saints, le volet gauche évoquant la Flagellation du Christ, celui de droite, la Crucifixion. « Comme sur le panneau de Santa Maria Novella (Florence) – qui donna son nom au Maître –, on trouve les hautes marches conduisant au trône, les quatre saints disposés de la même manière et d’une taille nettement inférieure à celle de la Vierge, l’ensemble peint dans un style très archaïque, prégiottesque », précise la galeriste Claire Sarti. Cet artiste florentin du début du XIVe siècle était aussi miniaturiste. Une dimension que l’on retrouve dans le traitement des personnages, fins et élancés, et un certain raffinement dans l’ornementation.
Euclide de Mégare s’habille en femme pour aller écouter les leçons de Socrate à Athènes, Domenico Marolì, 139,5 x 223,5 cm. Galerie Canesso, Paris. Prix : 2,3 millions d’euros
Ce tableau extravagant, aussi dense en détail que poétique, aurait pu rester une énigme avant la découverte d’une citation dans l’inventaire d’un noble vénitien du XVIIe siècle, Giovanni Nani. La composition brille par son originalité, une nature morte foisonnant d’objets scientifiques venant manger les deux tiers du tableau. Le sujet est difficilement identifiable à première vue. Il représente le philosophe Euclide de Mégare travesti en femme pour suivre les cours de Socrate. Un grimage nécessaire car l’accès d’Athènes était interdit aux habitants de Mégare. La présence d’un globe terrestre et d’une lunette semble indiquer que le philosophe était confondu avec son homonyme, un mathématicien originaire d’Alexandrie. « Le dessin est très sicilien, avec un réalisme pointilleux mais pas exacerbé. On perçoit aussi l’influence bolonaise », observe l’expert Chantal Mauduit. Pour le spécialiste de Sotheby’s, Nicolas Joly, « il est intéressant de voir comment la Sicile développe un caravagisme original, à la fois très proche des Napolitains et en même temps étrange, très moderne ». De fait, la toile pourrait aisément être accrochée à côté d’une œuvre contemporaine.
Saint Sébastien, ligoté pour son martyre, Anthony Van Dyck, vers 1622-1623, 194 x 142 cm. Galerie Weiss (Londres). Prix : 6,5 millions d’euros
De prime abord, on peut s’étonner de voir un tableau religieux figurer dans une galerie spécialisée plutôt dans les portraits élisabéthains. « Le visage est un autoportrait de Van Dyck », lance en guise d’explication Claire Brown, codirectrice de la galerie. L’autre surprise vient du prix affiché, 6,5 millions d’euros, alors que ce tableau issu d’une collection française avait été adjugé pour 337 750 livres sterling (451 245 euros) le 7 juillet 2000 chez Christe’s à Londres. La découverte récente du fait que cette toile aurait appartenu à une collection du roi Philippe IV d’Espagne, au monastère de l’Escorial, justifie-elle cette envolée aberrante ? « Il ne faut pas tenir compte du prix chez Christie’s. Nous avons payé plus cher lorsque nous l’avons acheté à la galerie Hall & Knight », indique Claire Brown. Difficile de se faire un avis... Même si l’attribution à Van Dyck ne fait aucun doute, ce saint Sébastien ne passionne pas vraiment les acteurs du marché. Ces réserves s’expliquent sans doute par le fait qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse, peinte vraisemblablement à Rome. Pour un ancien conservateur français, « ce tableau est trop dur, peut-être trop nettoyé ». Un expert estime enfin que la pièce « manque de puissance, de force. C’est de l’art “nouille”. Van Dyck était meilleur portraitiste que peintre religieux ».
Jupiter et Cérès, Antoine François Callet, 1777, 200 x 250 cm. Galerie Didier Aaron & Cie, Paris.
Prix : env. 1 million d’euros
Ce flamboyant morceau d’agrément de Callet à l’Académie est une redécouverte. Passé en novembre 2007 dans une maison de ventes belge, Bernaerts, ce tableau avait été proposé avec une mauvaise attribution à Louis-Jean-François Lagrenée. Certains marchands avaient toutefois fait le lien avec l’esquisse préparatoire de Callet conservée au Musée de Quimper. À cheval entre le goût fleuri et rococo et un certain néoclassicisme, ce peintre de transition a notamment réalisé l’un des plafonds de la galerie d’Apollon au Louvre. « L’artiste est peu connu aujourd’hui, mais c’est l’un de ses chefs-d’œuvre. C’est un tableau digne de rentrer dans les institutions américaines », affirme Nicolas Joly, spécialiste de Sotheby’s. Pour l’expert Chantal Mauduit, « l’accord des couleurs est sensationnel. C’est un tableau spectaculaire, qui vous saute à la figure. Dans les tableaux d’agrément, le peintre cherche toujours à montrer toute sa virtuosité, à en mettre plein la vue. Dans celui-ci, on voit un jeune artiste en pleine possession de ses moyens. » Peut-être parce que « Callet n’est pas un débutant lorsqu’il se présente au Salon. Il a travaillé à Gênes et au Palais-Bourbon et est déjà très connu à l’époque », comme le remarque Brigitte Gallini, auteure du catalogue raisonné en cours.
Oriental assis, Eugène Delacroix, vers 1843, 43 x 44 cm. Galerie Éric Coatalem, Paris. Prix : 1,1 million d’euros
Bien qu’érigé cette année au rang de chef-d’œuvre par les organisations de la foire, ce tableau, proposé pour 1,1 million d’euros, avait déjà été présenté l’an dernier sur Tefaf par Coatalem, sans éveiller la curiosité des visiteurs. Les avis sont pour le moins partagés. Pour certains, cette esquisse ne serait qu’une pochade maladroite. Pour d’autres, ses maladresses lui confèrent précisément une humanité apte à séduire une clientèle sophistiquée. « C’est un tableau atypique dans l’œuvre orientaliste de Delacroix. Nous ne sommes pas habitués au format carré, qui enferme le sujet dans une boîte, observe l’historien de l’art Edward Vignot, membre de la Société des amis du Musée Delacroix à Paris. Le personnage est épuré de tout sens anecdotique. Ce qui est intéressant, c’est l’acuité, la concentration du visage, qui rappelle celle des scribes accroupis égyptiens. » Est étonnante surtout la dichotomie entre la tête extrêmement soignée et le reste du corps, traité à l’emporte-pièce, avec un genou disproportionné et des mains en pinces de crabe. « Il faut considérer ce corps comme un socle sur lequel repose une tête, défend Edward Vignot. C’est une œuvre qui aurait presque sa place dans une exposition d’art contemporain. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Parcours pictural
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°276 du 29 février 2008, avec le titre suivant : Parcours pictural