L’hôpital psychiatrique développe depuis les années soixante l’utopie d’une institution ouverte. Pour concrétiser ce projet, la direction du Vinatier a nommé un médiateur culturel afin de faire évoluer l’image de l’hôpital auprès du public et permettre au personnel et aux malades d’accéder à l’art.
Lyon (de notre correspondant) - "Nous avons une préoccupation d’image et de conquête du public", prévient sans ambages Carine Delanoé, chargée de l’action culturelle au sein de l’Hôpital psychiatrique du Vinatier, à Bron près de Lyon. L’opération, qui s’inscrit dans un programme national (voir encadré), consiste à insérer l’art selon des critères professionnels dans un lieu qui provoque des réactions de fascination-répulsion parce qu’il soigne la folie. Pourtant, cet hôpital et son site méritent à eux seuls une visite : sur une centaine d’hectares considérés comme le second "poumon vert" de l’agglomération, sont disséminés pavillons de soin, résidences et lieux de production. Car Le Vinatier a longtemps vécu en autarcie, exploitant ses terres autant que ses malades, "invités" aux divers travaux des champs. Dans l’ancienne ferme devenue Fondation pour l’étude et la recherche sur les mémoires et l’expression (Ferme), réhabilitée pour l’occasion, sera créé un Musée du Vinatier. Curieusement, l’institution ne s’était jamais penchée sur son passé.
Intervention d’artistes
À côté de cette opération patrimoniale d’envergure qui réunit historiens, ethnographes et psychiatres, l’hôpital a mis en place des conventions avec l’université et différentes institutions culturelles.
"Séances-tenantes", résultat d’une première convention passée avec le cinéma Les Alisés, connaît un succès éclatant. Pour 10 francs, les spectateurs peuvent voir un film et rencontrer son réalisateur. Plus de 600 personnes se sont pressées le premier soir au cinéma du Centre social du Vinatier et, malgré les grincements de dents de quelques syndicats qui s’inquiètent de voir de l’argent dépensé en dehors de leurs revendications, la réussite de la formule semble assurée : “Le personnel de l’hôpital, soit 2 600 personnes, a enfin une autre image de son lieu de travail. Ce déficit narcissique était important à combler. De plus, des gens du quartier qui n’étaient jamais entrés au Vinatier ont eu l’occasion de le faire”, affirme Carine Delanoé. Il est vrai que les financements proviennent de lignes budgétaires hors sécurité sociale (ministère de la Culture ou entreprises privées).
Un autre versant de l’opération réside dans l’intervention d’artistes milieu hospitalier. Il ne "s’agit pas de faire une animation socio-culturelle ou compassionnelle, mais bien de faire intervenir des artistes professionnels dans le but d’un travail artistique et non pas thérapeutique", précise Patrice Marie, responsable national du programme "Culture à l’hôpital". Il s’agit aussi d’humaniser l’hôpital victime du “tout technologique”. S’il est trop tôt pour évaluer l’impact de cette action, l’originalité de la démarche, qui prolonge les expériences d’hôpital psychiatrique ouvert, retient l’attention.
En mars 1998, la Ferme proposera, en collaboration avec l’université Lyon II, un colloque sur la création et une exposition : "À double face". Les artistes seront exposés au Vinatier et le travail des malades dans les locaux de la faculté. "Ce projet concrétise notre volonté d’ouverture de l’hôpital sur l’extérieur et de sortie de l’hôpital de ses murs", estime Carine Delanoé.
Jumeler institutions culturelles et de santé
Le programme national “Culture à l’hôpital”?, lancé par Philippe Douste-Blasy et poursuivi par Catherine Trautmann, est mis en œuvre par la Délégation au développement et à la formation (DDF) au ministère de la Culture. Il a pour objectif de conquérir de nouveaux publics et de s’intéresser aux nouvelles formes artistiques. Offrant un budget d’environ 30 000 francs par opération, il a déjà fait l’objet d’une trentaine de jumelages hôpitaux/institutions culturelles. Cette initiative ne s’adresse pas exclusivement aux hôpitaux psychiatriques mais, compte tenu des liens à la fois théoriques et thérapeutiques développés par la psychiatrie et l’art, “Culture à l’hôpital”? y rencontre un accueil très favorable. L’objectif est de parvenir à lier l’institution de santé à une institution culturelle quelle qu’elle soit : bibliothèque, musée, théâtre. La convention passée par l’hôpital du Vinatier avec un cinéma, et ses dérivés possibles au travers d’un atelier de pratique cinématographique, est la seule expérience de ce type en France.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Ouvrir l’hôpital psychiatrique à l’art
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : Ouvrir l’hôpital psychiatrique à l’art