Égyptologue attaché à la Chaire de Civilisation pharaonique du Collège de France, Olivier Perdu est le commissaire général de l’exposition «Â Le crépuscule des pharaons » au Musée Jacquemart-André.
Pierre Morio : Quelle a été la genèse du projet ?
Olivier Perdu : Le Musée Jacquemart-André, concerné par nature par les collections privées, souhaitait s’intéresser à ce qu’elles recèlent en antiquités égyptiennes. Très vite néanmoins, il a adhéré au projet aussi original qu’ambitieux que je proposais : réhabiliter le dernier millénaire de l’histoire pharaonique en présentant plusieurs de ses plus beaux chefs-d’œuvre.
P.M. : Cette période semble un peu oubliée du public. L’est-elle aussi des égyptologues ?
O.P. : Les premiers égyptologues ont eu tendance à dédaigner cette époque qui va de la chute des Ramsès aux derniers Ptolémées. Ils étaient d’autant plus déroutés par cette période tourmentée, marquée par une succession de crises et d’invasions, qu’ils la percevaient confusément.
Aujourd’hui, les progrès de la recherche et l’abondance de témoignages ont placé l’Égypte tardive au centre de nos préoccupations, même si son étude reste assez compliquée. C’est encore un domaine réservé aux spécialistes. Ainsi, si trois années sont nécessaires à un étudiant en égyptologie pour comprendre un texte hiéroglyphique « classique », il lui en faut au moins plus du double pour s’aventurer dans une inscription postérieure au Nouvel Empire.
P.M. : Ce qui explique une désaffection du public pour cette période ?
O.P. : Pour le public, l’Égypte antique se résume trop souvent à ses grandes périodes : l’Ancien, le Moyen et le Nouvel Empire. Dans ce qui suit, il ne voit généralement qu’un long et inexorable déclin, ce qui n’est pas juste, comme le démontre la qualité des objets réunis à Jacquemart-André. Le mérite de l’exposition est d’amener le public à revenir sur ce préjugé et à découvrir une autre Égypte, très éloignée de l’image convenue que nous en gardons. C’est un pays en mouvement que le visiteur rencontre, balancé entre le présent et son passé, et non une Égypte immuable et monolithique.
P.M. : Justement, entre l’exposition du Metropolitan Museum consacrée aux premières dynasties et votre exposition du Musée Jacquemart-André, il semblerait que l’on s’intéresse maintenant aux marges de l’histoire égyptienne. Le public est-il en attente de cela ?
O.P. : Le public est toujours heureux de voir une exposition sur l’Égypte antique, mais il est lassé par le caractère routinier des thèmes généralement abordés : la religion, les époques les plus glorieuses, les découvertes les plus sensationnelles, etc. Tant d’expositions ont été montées sur l’Égypte pharaonique qu’il est devenu à la fois plus exigeant et plus curieux. La nouveauté est désormais au cœur de son attente.
En revanche, la presse semble plus réticente à aborder ces questions, préférant traiter de sujets plus rebattus, mais aussi plus faciles. Elle, si prompte à innover, devrait pourtant profiter de cette nouvelle aspiration du public pour l’accompagner sur des sentiers plus méconnus.
« Le crépuscule des pharaons » jusqu’au 23 juillet. Musée Jacquemart-André. Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h. Nocturnes le lundi et le vendredi jusqu’à 21 h. Tarifs : 11 et 9,5 euros.
http://crepusculedespharaons.com
« Du Nil à Alexandrie. Histoires d’eaux » jusqu’au 27 mai. Musée de Tessé au Mans. Ouvert du mardi au vendredi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h. Tarifs : 4 et 2 euros.
www.expo-nilalexandrie.fr
« Toutankhamon, tombeau et trésors » du 12 mai au 1er septembre. Paris expo Porte de Versailles. Ouvert tous les jours de 11 h à 19 h. Nocturne le vendredi jusqu’à 22 h. Tarifs : 15,9 et 12,5 euros.
« Un jour, j’achetai une momie. Emile Guimet et l’Égypte antique » jusqu’au 2 juillet. Musée des beaux-arts de Lyon. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10 h à 18 h, sauf le vendredi à partir de 10 h 30. Tarifs : 9 et 6 euros.
www.mba-lyon.fr
« Fascinantes momies » jusqu’au 27 mai. Musée national d’Écosse à Edimbourg. Ouvert tous les jours de 10 h à 17 h. Tarifs : 10 et 9 euros.
www.nms.ac.uk
« L’aube de l’art égyptien » du 10 avril au 5 août. Metropolitan Museum de New York. Ouvert du mardi au jeudi et le dimanche de 9 h 30 à 17 h 30. Nocturne le vendredi et samedi jusqu’à 21 h. Tarifs (suggérés): 19 et 9 euros.
www.metmuseum.org
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Olivier Perdu - « Le public est plus curieux »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°646 du 1 mai 2012, avec le titre suivant : Olivier Perdu - « Le public est plus curieux »