Quelques heures après la chute de Bachar Al-Assad, tout le monde s’interroge sur le devenir du pays et de son patrimoine.

L'information a pris tout le monde par surprise. Le régime de Bachar Al-Assad s'est effondré en quelques heures comme un château de cartes. L'offensive fulgurante des rebelles a commencé le 3 décembre avec la prise d'Alep par le groupe HTS (Hayat Tahrir Al-Sham, « Organisation de libération du Levant »). Dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani, ce mouvement est issu des rangs d’Al-Qaïda, organisation avec qui il a rompu en 2016, et a pour base la ville d’Idlib dans le nord-est du pays depuis 2017. Hama, Homs et Damas ont été conquises entre le 3 et le 8 décembre à l’ouest de la Syrie, ainsi que Deir ez-Zor sur l’Euphrate et Kamechliyé au nord-est, en zone kurde.
Les groupes kurdes des SDF (Syrian Democratic Forces, soutenues par les États-Unis) et divers mouvements rebelles ont accompagné l’offensive de HTS, dont des mercenaires à la solde de la Turquie (Syrian National Army) et des membres des tribus sunnites. L’organisation État islamique (EI) en Syrie, repliée depuis 2018 au Sud-Est et très affaiblie, ainsi que les milices iraniennes et irakiennes chiites ont rapidement abandonné le combat, comme l’armée du régime d’Assad, désormais dissoute.

Si à cette heure les combats sont sporadiques, la protection du patrimoine et des musées pourrait rapidement poser problème. En Syrie, le patrimoine est géré par la direction générale des Antiquités, qui par le passé n’avait pas pu protéger les sites des combats entre l’armée du régime, les rebelles et l’EI. À Alep, entre 2012 et 2016, la Vieille Ville et les monuments ont été fortement endommagés par les combats acharnés, les mines, les dynamitages et les bombardements. La grande mosquée des Omeyyades (VIIIe siècle), le souk médiéval, des caravansérails du XVIe siècle et les abords de la citadelle (XIIe siècle) ont été détruits. Plusieurs de ces sites sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco depuis les années 1980 et 1990, mais le régime n’a pas pris les mesures de protection nécessaires. Après la reconquête, seuls la citadelle et quelques îlots de bâtiments historiques ont été restaurés. Le séisme de février 2023 a encore ralenti les travaux de reconstruction.
Autre site emblématique inscrit au Patrimoine mondial, Palmyre et ses temples hellénistiques : lors de l’occupation de la ville par l’EI en 2015, plusieurs temples ont été détruits au bulldozer et à la dynamite, et les ruines ont servi de lieu d’exécution au groupe djihadiste. Le directeur du site y a été assassiné en août 2015, et une partie du musée, pillée. Le régime a repris la ville en 2016 et a entrepris une reconstruction partielle, avec l’aide de la Russie. Le documentaire « Palmyre à la croisée des mondes », diffusé sur France 5 en octobre 2024, très favorable au régime syrien, montre que des fouilles ont repris aux abords du site, et qu’une entreprise française du patrimoine a participé à la numérisation en 3D des bâtiments antiques, sous la houlette de l’Unesco.
Comme pour les autres secteurs économiques, Al-Joulani et ses alliés vont devoir prendre des décisions concernant le patrimoine : dans son premier communiqué officiel à Alep, il a appelé les rebelles et la population à respecter « le patrimoine de toutes les communautés » car ce sont « les traces d’une histoire ancienne commune ». Un communiqué ultérieur interdit les pillages, signe que Al-Joulani a bien compris l’importance de protéger le patrimoine syrien.

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Nouvelle Syrie, incertitudes sur le patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été initialement publié sur LeJournaldesArts.fr le 10 décembre 2024.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°645 du 13 décembre 2024, avec le titre suivant : Nouvelle Syrie, incertitudes sur le patrimoine