Du 19 au 21 octobre s’est tenu, à l’auditorium du Louvre, le colloque Nicolas Poussin : du bon, du moins bon… L’histoire de l’art évolue mais ne progresse pas.
PARIS - Peu d’artistes peuvent se flatter d’attirer le grand public vers les joutes oratoires et les débats académiques des colloques. Les trois jours organisés autour de la vie et l’œuvre de Nicolas Poussin connurent cependant un immense succès : conservateurs, universitaires et amateurs nombreux suivirent avec intérêt les communications présentées par une trentaine d’érudits venus du monde entier. La plupart des marchands parisiens de tableaux anciens firent eux-mêmes le déplacement et consentirent, durant les trois sessions, un effort d’attention auquel – à quelques exceptions près – ils se refusent d’ordinaire.
Tout le monde semble donc se demander – quoiqu’en termes variés – où commence, où s’arrête, et en quoi consiste le "phénomène Poussin". Rien ne paraît définitif, en effet, des attributions, des datations ou même des significations de ses tableaux et, pour tout dire, le colloque – à l’inverse de celui organisé en 1958 sur le même sujet – a posé plus de questions qu’il n’en a résolues. La qualité très inégale des prestations n’a pas été sans renforcer cette impression, et l’on eut parfois le sentiment que certains intervenants se posaient des problèmes superflus faute d’avoir résolu les questions essentielles.
Cela, bien sûr, devait se manifester par des partis pris audacieux, des à-peu-près méthodologiques inattendus – et inacceptables – chez des historiens de l’art confirmés, ou par un discours réduisant au cas particulier des chapitres entiers de l’histoire générale de l’art. Peut-on véritablement, pour justifier l’usage exceptionnel par Poussin d’un panneau de chêne, bousculer à tout prix une chronologie déjà bien difficile à établir en feignant d’ignorer l’hypothèse élémentaire d’un remploi ? Est-il bien nécessaire, pour expliquer une inflexion classique chez Vélasquez, de supposer une influence directe de Poussin sur la foi de comparaisons qui, en fait, définissent certains principes très généraux du Classicisme et traduisent en termes de cause à effet ce qui est pure concomitance ?
Ces lacunes apparurent d’autant plus manifestes que certaines communications furent, à l’inverse, extrêmement brillantes, telles celles d’Elisabeth Cropper (John Hopkins University, Baltimore) sur Les Aveugles de Jéricho ou de Richard Verdi (Barber Institute of Fine Arts, Birmingham) sur Les Funérailles de Phocion. Le grand nombre d’intervenants n’a pas permis, hélas, de débattre parfois comme chacun l’eût souhaité.
Confié au soin diligent d’Alain Mérot, professeur à l’université de Lille III, ce colloque laissera une impression très différente de celle dont témoignent les actes de la réunion de 1958. Et tandis que l’on pouvait espérer, il y a trente-six ans, voir se réduire peu à peu les questions autour du grand peintre, l’on doit aujourd’hui souligner que la diversité des approches et le raffinement méthodologique qu’elles suscitent nous parlent plus des atermoiements de l’histoire de l’art en son évolution que du maître des Andelys. Rhétorique n’est pas sophistique…
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Nicolas Poussin mis en examen
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Nicolas Poussin mis en examen