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Musées à louer, un marché en plein développement

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 7 février 2018 - 832 mots

De plus en plus d’entreprises organisent des événements et séminaires dans des lieux culturels. Le nouveau salon Museva, consacré à ce marché, vient de fermer ses portes sur un succès d’audience cependant limité.

Paris. La crue de la Seine a plongé les pieds de la Cité de la mode et du design dans l’eau. Pourtant cela n’a pas empêché la tenue du Salon international des musées, des lieux de culture et de tourisme (Sitem) du 23 au 25 janvier, même si son installation a été rendue plus laborieuse, le bâtiment jouxtant le fleuve ayant été privé de ses monte-charges et ascenseurs. Dans les allées du Sitem, qui vivait là sa 22e édition, des prestataires de l’équipement (vitrines, sécurité des œuvres…) ou du numérique (outils d’aide à la visite, réalité virtuelle…) ont présenté leurs services aux professionnels des musées. Un joli succès à en croire le nombre conséquent de personnes circulant devant les stands. 3 600 visiteurs ont été comptabilisés, contre 2 500 en 2017, un record pour la manifestation qui accueillait également un nouveau salon, Museva.

Situé dans le prolongement du Sitem - seule la couleur de leur moquette marquait une rupture entre les deux espaces - Museva était cependant bien plus dépeuplé. « Ce n’est pas étonnant pour une première année », a confié Jean-François Grunfeld, organisateur des deux salons, qui n’a cependant pas caché sa déception. Consacré aux privatisations et locations d’espaces culturels, ce salon – qui n’a pas vraiment d’équivalent, si ce n’est le très complémentaire salon des lieux de tournage (1) – a vocation à combler un vide dans le paysage. Une majorité d’institutions parisiennes (Le Louvre, Paris Musées…), quelques châteaux situés aux abords de la capitale (Fontainebleau, Chantilly…) et de plus rares sites de province (Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson…) tenaient un stand consacré à la présentation de leurs espaces extérieurs et intérieurs pouvant être privatisés, essentiellement pendant les créneaux de fermeture au public, pour un séminaire, un dîner, un cocktail ou encore un défilé de mode (la gamme est large). La cible visée était les entreprises et agences événementielles, qui ont été peu nombreuses à se déplacer. « On a surtout rencontré des prestataires exposant aux Sitem qui sont venus nous parler de leurs produits, ce qui nous a mis dans une position d’acheteur potentiel alors que nous étions là pour vendre ! », regrette un exposant.

Une activité complémentaire rentable pour les musées

La faible fréquentation est probablement due au manque de lisibilité de ce salon qui vise une autre clientèle que le Sitem (Sitem compte 144 exposants contre 45 pour Museva). Pour autant, Museva entend bien rempiler l’année prochaine en séparant mieux les deux manifestations et en coopérant davantage en amont avec les entreprises. Le potentiel de Museva est là, car outre l’intérêt commercial que pourraient en retirer les musées, il constitue une occasion rare, notamment via les conférences qu’il propose, de questionner l’activité locative des musées. Ne faisant pas partie des missions premières du musées, cette dernière est encore régulièrement décriée alors que la tendance pour les musées à accueillir en leurs murs des événements privatifs ne va pas ralentir. Les musées sont contraints de développer toujours plus leurs ressources propres et le secteur événementiel « va continuer à croître au cours des vingt prochaines années », assure Lionel Malard, consultant auprès des organisateurs d’événements. « Les musées peuvent obtenir une grosse part du gâteau de la location d’espaces, en particulier auprès des maisons de luxe qui arrivent facilement à mettre en scène un message de créativité dans le cadre du musée », assure-t-il. Les musées parisiens l’attestent, il existe entre eux une concurrence réelle pour accueillir certains événements, en particulier les défilés de mode. Ces derniers sont souvent les plus rémunérateurs, les plus médiatisés, et « ceux qui créent le plus d’engagement parmi les participants » comme l’observe le représentant de Paris Musées ou encore celle du Palais de Tokyo qui raconte que l’institution « n’est jamais aussi bien représentée sur les réseaux sociaux que lorsqu’elle reçoit la Fashion Week ».

Proposer aux entreprises et aux marques une « offre inédite », « un moment exceptionnel », tels sont les mots revenus dans la bouche des musées. Un défi de plus à relever qui s’ajoute à ceux de protéger leurs murs et leurs collections, ne pas déprécier leur image et ne pas pénaliser les visiteurs. « On essaie de faire en sorte que les visiteurs du quotidien soient prioritaires même si la tentation est grande de privilégier quelques événements très rémunérateurs », explique Charles-Henri Diriart, directeur de la Fondation pour la sauvegarde et le développement du Domaine de Chantilly, précisant que « la billetterie reste de loin la principale ressource du château ». Il arrive de plus en plus fréquemment qu’un musée ferme des espaces pour privatisation durant ses heures d’ouverture. « Il y a un arbitrage interne incessant : le musée doit se demander quel est le bénéfice qu’il a à organiser un événement privatif par rapport aux risques qu’il prend », explique Lionel Malard. Et les risques se réduisent au fur et à mesure que cette privatisation intègre l’ADN du musée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : Musées à louer, un marché en plein développement

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