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MUSÉE EN RUSSIE

À Moscou, le Garage Museum annexe un bâtiment voisin

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · Le Journal des Arts

Le 8 décembre 2021 - 540 mots

MOSCOU / RUSSIE

Le musée d’art contemporain prévoit de s’étendre à l’« Hexagone ». Le projet de restauration par l’agence d’architecture Sanaa a entraîné une levée de boucliers chez les défenseurs du patrimoine soviétique.

Moscou. Après dix années de tergiversations, le Garage Museum of Contemporary Art annexe finalement l’« Hexagone », un site architectural mitoyen à l’abandon. Le musée sans collection fondé par les richissimes collectionneurs Dasha Zhukova et Roman Abramovich en 2008 a dévoilé le 22 novembre un projet de restauration qui fera enfin tomber l’hideuse « palissade temporaire » gâchant la promenade autour du Garage. Dès son installation dans le Parc Gorki en 2013, les deux collectionneurs avaient promis de restaurer l’Hexagone pour en faire une extension du musée, mais le projet était depuis resté dans les limbes.

La rénovation du site en forme d’hexagone, classé monument historique, est confiée aux Japonais de l’agence d’architecture Sanaa, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, lauréats du prix Pritzker 2010. Leur projet consiste à unifier les six bâtiments du pavillon, ce qui maximisera la lumière qui pénètre dans l’espace de 9 500 m2. À l’intérieur il y aura trois galeries d’exposition (dont une dans un sous-sol entièrement nouveau), une bibliothèque, un café et une librairie, ainsi qu’une cour avec accès public. L’extension permettra au Garage « d’incorporer plus de pratiques interdisciplinaires dans son programme, y compris la performance et la recherche curatoriale», a indiqué son directeur, Anton Belov.

Aujourd’hui, il ne reste que de lugubres poutres en béton du complexe original conçu en 1923 par l’architecte Ivan Joltovski. Surnommé à l’origine « mécanisation » parce qu’il ressemble, vu du dessus, à un engrenage, le site servait de pavillon d’exposition à la gloire de la mécanisation de l’agriculture soviétique. Chaque bâtiment avait une partie centrale à double hauteur et des ailes latérales, qui, s’unissant les unes aux autres, formaient une galerie qui encerclait l’ensemble du pavillon. À partir des années 1930, il fut transformé en café puis en discothèque, avant d’être abandonné à la fin des années 1980 à la suite d’une série d’incendies.

L’annonce a immédiatement mécontenté les nombreux et ardents défenseurs du patrimoine architectural soviétique, qui voient un risque de déconstruction dès que le mot « restauration » est avancé. Non sans raisons.

« Une perte de l’authenticité du monument »

Un éditorial du journal en ligne Gardiens de l’Héritage se moque de la vague de « commentaires radieux et candides » relatifs à l’Hexagone. Pour l’auteur, « l’examen du projet annonce un remplacement complet des structures du monument. La restauration menace plutôt d’aboutir à un “remake” ».

Défendant les modifications, les auteurs du projet de restauration soulignent que la structure est à ce point dégradée qu’elle nécessite un démontage complet et l’adjonction d’une structure en acier. Ils rappellent également que les bâtiments d’origine utilisaient le bois comme principal matériel de construction. Or, l’autorité de régulation du bâtiment a mis son veto à l’utilisation du bois dans la reconstruction.

L’argument ne convainc pas l’influente association ArkhNadzor qui veille à la préservation du patrimoine architectural. Celle-ci a demandé aux autorités moscovites de revenir sur le visa accordé au projet du cabinet Sanaa, parce qu’il conduit à « une perte de l’authenticité du monument ». ArkhNadzor réclame un débat public sur le projet.

S’attendant visiblement à cette levée de boucliers, le musée Garage s’est bien gardé de dévoiler un calendrier pour la reconstruction de l’Hexagone.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°579 du 10 décembre 2021, avec le titre suivant : À Moscou, le Garage Museum annexe un bâtiment voisin

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