À sa mort, Francis Bacon avait légué l’ensemble de ses biens à son jeune compagnon, John Edwards. Ce dernier vient à son tour de décéder, à l’âge de cinquante-trois ans, le 4 mars, en Thaïlande. Les spéculations sur le sort de la succession de l’artiste vont bon train alors que Philip Mordue, le dernier compagnon de John Edwards, pourrait devenir le nouvel héritier.
LONDRES - Ancien barman de l’East End londonien, John Edwards avait rencontré Francis Bacon en 1976 et était rapidement devenu son ami le plus intime. Le couple avait toujours insisté sur la nature purement amicale de leur relation. Lorsqu’en 1992 Francis Bacon décède, à l’âge de quatre-vingt-deux ans, il laisse la totalité de ses biens, y compris sa collection d’art, à son compagnon. L’année suivante, John Edwards s’installe en Thaïlande, dans un appartement de grand standing situé à Pattaya et dont il a fait l’acquisition avec son nouvel ami, Philip Mordue.
C’est en 1997, sur les conseils du professeur Brian Clarke, exécuteur testamentaire de Francis Bacon, que John Edwards ouvre une enquête sur de présumées irrégularités commises par le représentant exclusif de l’artiste, la Marlborough Gallery de Londres. Les insinuations ont pour objet le contenu de la succession, qui aurait été grevée à hauteur de 100 millions de livres sterling (148 millions d’euros). Le litige est porté devant la justice, avant que les deux parties ne parviennent à un accord à l’amiable en février 2002 et que les ayants droit de Francis Bacon ne retirent leur plainte, chacun prenant à sa charge les frais de procédure respectifs.
Suite au décès de John Edwards, il semble logique que ses biens, largement composés de la succession Bacon, reviennent à Philip Mordue. Selon certains, ce dernier possèderait des intérêts financiers dans le secteur de la vie nocturne de la station balnéaire thaï de Pattaya. Si, à l’origine, la succession Bacon – laquelle aura sans aucun doute profité de la hausse importante du prix de ses peintures – était estimée 11 millions de livres (16,28 millions d’euros), le luxueux train de vie mené par John Edwards et les frais engagés dans l’affaire contre Marlborough ont sérieusement entamé le patrimoine. Les avocats des ayants droit nous ont déclaré que les “allégations selon lesquelles Philip Mordue hériterait de la collection [d’œuvres d’art de Francis Bacon] sont fausses”, mais aucun commentaire n’a été fait au sujet des autres biens ; Philip Mordue pourrait ainsi hériter de biens immobiliers et des sommes d’argent. Le patrimoine de la succession a évolué, puisque la Hugh Lane Gallery de Dublin a recueilli de la main du légataire le contenu de l’atelier chaotique de l’artiste – situé à South Kensington –, atelier reconstitué en 2001 par l’institution. Nous avons néanmoins réussi à identifier un certain nombre de peintures de Francis Bacon qui semblent toujours appartenir à la succession, notamment les œuvres suivantes : Le Pape (1950), Étude d’après Vélasquez (1950), L’Homme au rideau (1950-1951), Personnage (1950-1951), Nu accroupi (1950), Nu accroupi sur rail (1952), Deux personnages sur l’herbe (1952), Deux personnages marchant (1952), La Fin de la ligne (1953), Paysage d’après Van Gogh (1957), Personnage couché (1960), Étude du corps humain (1987), Portrait de John Edwards (1988) et Triptyque (1991). L’année dernière, la Hugh Lane Gallery a reçu des ayants droit le dernier portrait inachevé de l’artiste, datant de 1992, ainsi que cinq autres œuvres, mises en dépôt : Personne allongée marchant, Personnage (inachevé), Personne à genoux, vue de dos, Trois personnages (esquisse) et Personne assise (esquisse). Lorsque l’on sait que les peintures importantes de Francis Bacon atteignent désormais des millions de livres, les dix-neuf tableaux que nous avons identifiés valent une fortune.
La fondation caritative “John Edwards Charitable Foundation” dont nous annoncions la création l’année dernière (lire le JdA n° 144, 8 mars 2002), a finalement vu le jour le 29 mai 2002. Elle est présidée par le professeur Brian Clarke. Ses deux principales missions consistent à promouvoir et à publier des recherches sur le peintre tout en organisant des expositions sur son œuvre. Parmi les projets à l’étude figure notamment la publication d’un catalogue raisonné. L’an dernier, après l’accord à l’amiable, la Marlborough Gallery a versé un vaste ensemble d’archives à la succession Bacon, qui a décidé d’en faire don à la Hugh Lane Gallery. Les documents sont attendus à Dublin dans les prochains mois. La Hugh Lane Gallery est donc désormais en passe de devenir le centre mondial d’études sur Francis Bacon.
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Mort de l’héritier de Francis Bacon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Mort de l’héritier de Francis Bacon