Notre sélection de belles feuilles présentées à Paris lors de la Semaine du dessin.
Une passion aboutie
L’Arrestation du Christ au mont des Oliviers - Hans Sebald Beham (1500-1550), plume et encre brune, lavis gris et rose, indications de couleurs à la plume sur les vêtements, diamètre 22,8 cm. Estimation : 20 000 euros. Vente le 16 mars, Tajan, 37, rue des Mathurins, 75008 Paris, tél. 01 53 30 30 30, www.tajan.com
Natif de Nuremberg, Hans Sebald Beham a travaillé toute sa vie en Allemagne du Sud, à Nuremberg d’abord, puis à partir de 1530 à Munich, où il illustre des bibles pour le cardinal de Brandenbourg, avant de s’installer en 1532 à Francfort, où il reste jusqu’à sa mort. Il est fortement influencé dès ses débuts par Albrecht Dürer. Son œuvre est essentiellement graphique et regroupe aussi bien des gravures que des miniatures. Il réalisa aussi une série de dessins à thèmes religieux, destinés à servir aux maîtres verriers de modèles pour des vitraux. Ils sont tous de forme ronde, de diamètre identique, et exécutés à la plume. On connaît une douzaine de dessins de cette série conservés dans des institutions et ayant pour thème la Vie de la Vierge et la Passion du Christ, dont celui-ci fait partie. « Particulièrement abouti, ce dessin est des plus soignés, notamment par l’ajout de lavis rose et de notations de couleurs », relève l’expert Patrick de Bayser.
Suggestif Primatice
Statue de vestale aux bras coupés, étude d’après l’antique - Attribuée à Francesco Primaticcio dit le Primatice (1504-1570), plume et encre brune, lavis sépia sur papier beige, 29 x 16,9 cm, inscription ancienne dans le bas « in casa del Rmo de Siena a pidi 6 1/2 sdi marmo ». Estimation : 25 000-30 000 euros. Vente le 18 mars à Drouot, SVV Piasa, tél. 01 53 34 10 10, www.piasa.auction.fr
En 1540, François Ier envoie le Primatice à Rome dessiner les « antiquailles exquises » qu’il voulait connaître, voire acheter ou mouler en bronze pour les plus célèbres. L’artiste aurait lui-même convaincu le roi de lui confier cette mission. Primatice rentre en France au début de 1541, et des caisses contenant entre autres ses dessins sont expédiées de Rome un peu plus tard. Beaucoup seront gravés par Fantuzzi, Davent ou encore Enea Vico. « Bien que l’on sache les dessins d’après l’antique assez nombreux, peu nous sont parvenus, commente l’expert Patrick de Bayser. Ici, on notera les « fondus enchaînés » extrêmement raffinés du lavis sépia, dont le Primatice est le maestro. On relèvera plus particulièrement le côté suggestif primaticien évoqué par le sein droit de la statue, dont le volume respire grâce aux graduations de l’ombre et dont l’aréole marmoréenne pointe, à peine visible, à travers le tissu. »
Aimable piété
Le Christ en croix avec Marie-Madeleine - Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682), signé « ‘Bartoe: Murillo f .’», craie noire, plume et encre brune, lavis brun, 32,6 x 22,3 cm. Estimation : 25 000-35 000 euros. Vente le 17 mars, Christie’s, 9, avenue Matignon, 75008 Paris, tél. 01 40 76 85 85, www.chris
ties.com
Les dessins espagnols sont rares et ne sont pas toujours en bon état. Celui-ci, inédit et en quasi parfait état, vient d’une collection privée : acheté avant-guerre par René-Claude Catroux, il est resté depuis dans la famille. On connaît une petite douzaine de crucifixions de Murillo. Peintre favori des capucins, la branche la plus populaire de l’ordre de Saint-François, qui favorisent une dévotion expansive et tendre, l’artiste sévillan exprime dans le répertoire religieux une piété aimable. « Cette œuvre de belle qualité est une pièce majeure de Murillo. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de meilleurs dessins, y compris parmi ceux qui sont conservés dans les musées, rapporte l’expert Nicolas Schwed. De plus, il est signé, ce qui est rare. C’est le signe que l’artiste était vraiment satisfait de son travail. » Ce dessin est sans doute une étude préparatoire pour un tableau perdu.
Aux marches du temple
Présentation de la Vierge - Giovanni Domenico Tiepolo (1727–1804), plume, encre brune et lavis brun sur pierre noire, 49,5 x 38,1 cm. Prix : 135 000 euros. Salon du dessin, galerie Katrin Bellinger, Munich, tél. 49 89 98 34 65, www.bellinger-art.com
Lorsque, vers 1785, Tiepolo entreprend une large série d’environ 250 grands dessins religieux, il ne se limite pas aux scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais il va également puiser dans la vie des apôtres, celle des saints les plus récemment canonisés et voue enfin trente feuilles à la vie de la Vierge, un sujet qui lui tient à cœur. Le présent dessin illustre l’un des plus fameux passages de la jeunesse de la Vierge, tel qu’il est raconté dans la Légende dorée. Tiepolo montre la Vierge enfant, montant seule les quinze marches menant au temple. En bas à droite, ses parents la regardent, et le grand-prêtre, en haut des marches, lève les bras au ciel en signe de reconnaissance du petit miracle qui s’opère devant lui. Pour l’équilibre de la composition, l’artiste a enrichi la scène de spectateurs, en bas à gauche, une femme assise, deux hommes et un chien. Mais ce qui est plus frappant, c’est la place que prend l’énorme temple dont les marches horizontales apparaissent comme d’insurmontables barrières pour l’enfant.
Persée, le mystère
Persée et Andromède - Gustave Moreau (1826-1898), vers 1882, aquarelle sur papier signée en bas à gauche, 28 x 23 cm. Prix : 750 000 euros. Salon du dessin, galerie Patrick Derom, Bruxelles, tél. 32 25 14 08 82
Cette aquarelle est une commande du mécène Charles Hayem à Moreau. Le thème de Persée et Andromède a fait l’objet de différentes études et versions, dont celle-ci, pierre angulaire dans la carrière de Moreau, est sans doute la plus finie et la plus brillante du peintre. La fascination de l’artiste pour ce sujet remonte à l’enfance. Son père possédait une édition de 1660 des Métamorphoses d’Ovide traduite en français et éditée par Pierre Du Ryer. « Cette aquarelle montre Persée suspendu verticalement dans l’air. La pose est sans précédent dans l’iconographie du mythe et complète parfaitement le texte d’Ovide, commente Geneviève Lacambre, conservateur général honoraire du Patrimoine. La composition est enrichie par l’utilisation des couleurs primaires : le jaune pour les draperies d’Andromède, le rouge pour la cape de Persée et le bleu pour ses ailes qui renvoie au bleu plus soutenu de la mer, les teintes plus sombres étant réservées aux éléments les plus hostiles de la scène. »
Gauguin par le menu
Menu - Paul Gauguin, vers 1900, aquarelle et encre de Chine sur papier, 22 x 15,5 cm. Prix : autour de 90 000 euros. Salon du dessin, galerie Bérès, 25, quai Voltaire, 75007 Paris, tél. 01 42 61 27 91
Il s’agit de l’un des menus recopiés et illustrés par Gauguin en souvenir des dîners qu’il donnait pour ses amis artistes. À l’époque, il était rédacteur de la gazette Les Guêpes, et il jouissait alors d’une relative aisance matérielle qui lui permettait d’inviter souvent ses amis à faire bonne chère. Ces joyeux moments lui suscitaient quelques envies de créer. « En 1950, Robert Ray a publié onze menus de Gauguin, mais celui-ci est inédit et n’a jamais été publié, bien qu’il provienne de l’une des plus importantes collections, celle de Robert von Hirch (Bâle), et qu’il ait figuré lors de nombreuses expositions, souligne Florence Berès-Montanari. La date de 1900 correspond au moment où Gauguin, influencé par ses divers voyages, se souvient des îles paradisiaques. » L’œuvre sera incluse sous le titre Deux nus dans le catalogue raisonné de l’œuvre de Paul Gauguin en préparation par le Wildenstein Institute.
Pommes d’amour
Les Pommes - Nicolas de Staël (Saint Pétersbourg 1914-Antibes 1955), aquarelle sur papier, 55 x 75 cm, signée et datée en bas à droite, « Nicolas, 1952 » et dédicacée « A Gertrud » en bas à gauche. Certificat de Françoise de Staël daté du 12 décembre 1994. Prix : 75 000 euros. Exposition du 15 mars au 9 avril, galerie Éric Coatalem, 93, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 66 17 17
On peut rapprocher cette grande aquarelle de trois huiles sur toile datées de 1952 et conservées dans des collections privées. « Ces pommes, simplifiées à l’extrême, apparaissent comme des formes en suspension, enveloppées de couleur rouge, telles des tâches abstraites, et trouvent naturellement leur équilibre dans un espace en réserve, réduit au vide. Cette œuvre illustre parfaitement la démarche du peintre à la lisière entre la représentation du monde visible et la subjectivité de son interprétation des formes », évoque le marchand Éric Coatalem. Dédicacée à « A Gertrud », femme de Denys Sutton, journaliste à Art News, cette nature morte a été réalisée trois ans avant le suicide de l’artiste, dans une période de maturité qui lui valut la renommée, et dont l’historien de l’art André Fermigier disait : « Aucun peintre n’a eu à ce point le don de résumer une forme, de la saisir de l’intérieur, d’en rendre sensible à la fois la substance et l’apparence... »
- Galerie Éric Coatalem Du 15 mars au 9 avril, 93, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 66 17 17 - Dessins au Quartier Drouot (14 galeries)Du 10 au 24 mars, rues Drouot, de la Grange-Batelière, de Provence, de Richelieu, passages Jouffroy et Verdeau, tél. 01 47 70 41 73 - La quinzaine du dessin au Louvre des Antiquaires Du 10 au 24 mars, salle d’exposition, 2, place du Palais-Royal, 75001 Paris, tél. 01 42 97 27 27, www.louvre-antiquaires.com - Expositions de Printemps Rive Gauche Du 15 mars au 16 avril Galerie Artesepia, 40, rue de Verneuil ; galerie Jacques Fischer, 46, rue de Verneuil ; galerie Simon Lhopiteau, 58, rue de l’Université et galerie R.-F. Teissèdre, 25, rue de Beaune, 75007 Paris, tél. 01 42 96 29 21
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Morceaux choisis - Semaine du dessin
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €- Le 9 mars à Drouot, SVV Farrando-Lemoine, tél. 01 47 70 50 11 - Le 16 mars chez Tajan, 37, rue des Mathurins, 75008 Paris, tél. 01 53 30 30 30, www.tajan.com - Le 16 mars à Drouot, SVV Thierry de Maigret, tél. 01 44 83 95 20 - Le 17 mars chez Christie’s, 9, avenue Matignon, 75008, tél. 01 40 76 85 85, www.christies.com - Le 17 mars à Drouot, SVV Delorme-Collin du Bocage, tél. 01 58 18 39 05 - Le 18 mars à Drouot, SVV Piasa, tél. 01 53 34 10 10, www.piasa.auction.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : Morceaux choisis - Semaine du dessin