Cinéma

Merveilleuse Chihiro

Par E. Burdeau · L'ŒIL

Le 1 avril 2002 - 244 mots

Ce qui sidère dans Le Voyage de Chihiro, que vient de couronner à Berlin une moitié d’Ours d’or (l’autre est allée à l’Irlandais Bloody Sunday) ? 

Pas seulement qu’Hayao Miyazaki y fasse surgir, de l’autre côté d’un banal tunnel, une maison de bains fréquentée par des dieux fatigués et que peuplent, entre autres monstres, un vieillard à huit bras, des grenouilles en kimono et un bébé géant. Même géniale, même déployée comme ici en une fête, la pure fantaisie ne suffit pas au cinéma d’animation, à qui de toute façon tout est d’emblée offert sur un plateau : audaces, aberrations, délires sans entraves. Il y faut autre chose, une entrée en matière réaliste, avec papa-maman dans la voiture, une petite héroïne innocente, une savante progression par paliers. Il y faut surtout une élémentaire pédagogie. Qui ramène, via cet hôtel de bains s’agitant en flux tendu, la féerie animée à sa stricte vérité industrielle – à la folle fourmillière des studios Ghibli, dont Miyazaki est le boss incontesté. Et simultanément distribue, module la surprise avec une parfaite équité, dans toutes les directions à la fois : surprise de Chihiro atterrissant dans ce monde fabuleux, mais aussi de la mémé Yubaba pour son fils chéri changé en souris, du personnel pour les dieux, « putride » ou « sans visage », qu’ils dorlotent, et bientôt de tous pour les exploits de Chihiro elle-même. Le secret de Miyazaki, c’est la radicale démocratisation qu’il impose au travail du merveilleux.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°535 du 1 avril 2002, avec le titre suivant : Merveilleuse Chihiro

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