Quel doit être selon vous le rôle du ministère de la Culture ? Quel budget souhaitez-vous lui accorder ?
La société pour laquelle je me bats, la France dont j’aimerais dessiner un nouveau visage, c’est un pays où tous les pouvoirs et les savoirs seraient enfin partagés. C’est un monde où chaque homme et chaque femme pourraient librement construire sa vie, apprendre et donner de son rapport à l’autre, faire progresser toute la société. C’est un monde où la culture ne serait donc pas qu’une activité parmi d’autres de la vie ou un luxe que seule une minorité de personnes pourrait s’autoriser, mais bien une réalité pour chacun et chacune ! Vous comprenez donc que, pour moi, le ministère de la Culture ne saurait être le ministère de la cerise sur le gâteau. Selon moi, il doit être doté d’une autorité pleine et entière, avec à la fois la création et son appropriation par la société tout entière au centre. Je me prononce pour que la dépense publique en faveur de la culture soit portée à 1 % du PIB. Cela n’est pas dispendieux, cela représente une dépense supplémentaire de l’ordre de 3 milliards d’euros, c’est-à-dire 35 % d’augmentation par rapport aux dépenses actuelles, soit 10 % d’augmentation des budgets publics pendant cinq ans. C’est un engagement tout à fait réalisable.
Sans intervention publique, du ministère concerné, des ministères de l’Éducation nationale, des Affaires étrangères, de la politique de la ville et des autres collectivités publiques, il n’y aurait qu’une intervention privée, celle des industries culturelles. À la Libération, personne ne se serait posé cette question, les arts et la culture étant considérés comme indispensables à l’épanouissement de chacun et à la cohésion de notre société, l’État ayant la responsabilité de permettre l’accès de tous aux arts. Aujourd’hui, deux conceptions s’affrontent. L’une considère la culture comme une accumulation de biens à consommer. L’action publique n’est justifiée que pour intervenir dans la régulation de l’accès aux biens. L’autre insiste sur la culture comme activité humaine, inventant le monde et la cité, construisant des utopies individuelles et collectives pour les représenter. Dans ce cas, l’art est résistance et construction. Gilles Deleuze le formule ainsi : « Le but de l’art, inventer le peuple qui nous manque. » [Nicolas] Sarkozy propose de dissoudre le ministère de la Culture dans un grand ministère avec l’Éducation nationale et la Communication et de consacrer les fonds publics nationaux à l’excellence artistique.
Sous quelles formes l’État doit-il soutenir la création contemporaine ? Comment concevez-vous le rôle de l’artiste dans la société ?
Aujourd’hui, si on est de gauche, on ne peut pas dire : stop, on a assez donné. Plus la diffusion culturelle est difficile à contrôler, notamment avec les nouvelles technologies, plus il faut renforcer l’aide à la création en amont de la diffusion. C’est indispensable.
L’État devrait, parallèlement au soutien à la création et à son appropriation, créer un cadre pour que tous les artistes aient des revenus pour vivre et des droits sociaux, au lieu de les remettre en cause en agréant le scandaleux protocole des annexes 8 et 10 des intermittents ou en ne faisant pas respecter la loi sur le droit de présentation publique qui permet la rémunération des plasticiens.
L’artiste est, selon moi, quelqu’un qui, par sa sensibilité, sent le monde, ses devenirs possibles, le transforme déjà concrètement dans ses réalisations. C’est un éveilleur et c’est pourquoi je crois que les citoyens doivent être en contact direct avec les artistes et les œuvres.
Les différents plans de relance de l’éducation artistique se sont jusqu’à présent soldés par des échecs. Comment améliorer le dialogue avec le ministère de l’Éducation nationale afin de développer l’enseignement artistique à l’école ?
En développant une conception de l’école comme institution dont l’objectif prioritaire est de permettre à tous les jeunes d’accéder à une culture commune de haut niveau et en multipliant des activités culturelles complémentaires à l’enseignement proprement dit dans le cadre du service public de l’accompagnement scolaire cité précédemment. Dans les axes prioritaires de mon programme figurent l’éducation artistique ainsi que la présence des artistes à l’école. Ce n’est pas un vœu pieux destiné à être abandonné une fois élue, la proposition de 1 % du PIB pour la culture crédibilise financièrement cette proposition.
L’État doit-il faire appel au secteur privé pour financer son action culturelle ? Êtes-vous favorable à des avantages fiscaux pour encourager la culture ? Si oui, lesquels ? Pensez-vous que les œuvres d’art doivent être prises en compte dans l’assiette de l’ISF ?
Sans déconsidérer l’investissement privé, je pense que l’intervention publique est essentielle à la fois pour la diversité culturelle et pour que les œuvres rencontrent tous les citoyens. Concernant l’ISF, je ne veux pas encourager ceux qui investissent dans les œuvres non par amour des œuvres mais pour spéculer.
Comment remédier à l’échec de la démocratisation culturelle ?
Même si la démocratisation culturelle n’est pas parvenue à ses objectifs, tout n’a pas échoué et, si nous prenons l’exemple des tarifs des spectacles ou des musées, il reste encore beaucoup à faire pour faciliter l’accès aux œuvres. Cela dit, tout n’est pas affaire d’accès : éducation artistique, reconnaissance de la culture de l’autre, éducation populaire, développement de la création et de la diffusion…
Certains candidats pensent que la télévision, les grands moyens de communication suffisent à permettre l’accès de tous aux biens culturels. Sauf que ces biens culturels sont « rabougris » par rapport à la diversité de la création. Ils n’expriment pas toutes les pratiques culturelles qui existent sur le territoire. La culture hip-hop a trente ans d’existence et pourtant elle a du mal à faire reconnaître les créations qui s’en réclament comme des œuvres artistiques à part entière.
Je veux que la création ait toute sa place dans les médias. Cela passe notamment par la suppression de la publicité sur les chaînes publiques pour les libérer du diktat de l’Audimat.
Quelle est votre position sur les grands travaux de musées en cours (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée [Mucem] à Marseille, île Seguin…) ? Souhaitez-vous encourager un projet en particulier ?
La décentralisation culturelle n’est pas finie. Il y a encore des équipements à construire, de grands musées, mais je pense aussi aux villes populaires ou situées en milieu rural.
Êtes-vous collectionneuse ? Si oui, dans quelle spécialité ? Quelle exposition vous a marquée récemment ? Quel est votre musée préféré ? Quel est votre artiste préféré ?
Je ne suis pas vraiment collectionneuse, mais j’ai eu la chance de rencontrer, dans l’exercice de mes diverses responsabilités, en tant que ministre ou au Parti communiste, des artistes dont les œuvres honorent mon bureau. J’ai un beau souvenir d’enfance du Louvre. Un professeur m’avait fait connaître les cours du dimanche et j’y ai découvert la peinture. Sinon, je suis très éclectique et j’aime découvrir les musées quand mon emploi du temps m’en laisse le temps. J’aime les artistes qui travaillent aussi pour la rue comme Michel Quarez ou Ernest Pignon-Ernest. J’aime aussi Frida Kahlo, sa peinture rebelle et féministe me touche beaucoup.
- Flou artistique
- François Bayrou, UDF Union pour la démocratie française
- Olivier Besancenot, LCR (Ligue communiste révolutionnaire)
- Arlette Laguiller, LO (Lutte ouvrière)
- Jean-Marie Le Pen, FN (Front national)
- Ségolène Royal, Parti socialiste
- Nicolas Sarkozy, UMP (Union pour un mouvement populaire)
- Gérard Schivardi, sans étiquette
- Philippe de Villiers, MPF (Mouvement pour la France)
- Dominique Voynet, Les Verts
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Marie-George Buffet, PCF (Parti communiste français)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°257 du 13 avril 2007, avec le titre suivant : Marie-George Buffet, PCF (Parti communiste français)