L’Institut national d’histoire de l’art a appris la possible nomination à sa tête d’un énarque en lieu et place d’un scientifique.
PARIS - Un vent de panique s’est emparé de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), à Paris, et du milieu culturel français. Le ministre de la Culture, sur proposition de l’Élysée, serait en passe de nommer à la direction de l’Institut Jean Gautier, un énarque, conseiller à la Cour des comptes, ancien directeur des affaires culturelles de la Ville de Paris, autrement dit quelqu’un ne faisant pas partie du corps scientifique. C’est le site Internet de Didier Rykner (1) qui a révélé l’affaire le 28 novembre, média relayé les jours suivants par les quotidiens Libération (29 novembre) et Le Monde (3 décembre).
Selon nos informations, le ministère de la Culture souhaitait inverser l’organigramme actuel de l’Institut, c’est-à-dire nommer un administratif à sa direction et un grand scientifique à sa présidence. Actuellement, le président est un administratif, Jacques Sallois, mais ce dernier souhaiterait se délester de ses fonctions à l’INHA pour se consacrer à la Cour des comptes. Une décision lourde de conséquences puisque c’est au directeur que reviennent au quotidien la gestion et les orientations de l’établissement. En outre, l’idée d’imposer un non-scientifique à la tête de l’INHA apparaît en totale contradiction avec le réglement même de l’Institut. Le décret de création (12 juillet 2001) de l’établissement stipule en effet que le directeur général est « choisi parmi les personnalités exerçant ou ayant exercé des activités dans les domaines correspondant aux missions de l’Institut », c’est-à-dire la recherche en histoire de l’art ou en archéologie. Cette éventuelle nomination se heurte par ailleurs à un vice de procédure, Jean Gautier ne faisant pas partie des six candidats officiellement retenus pour remplacer l’archéologue Alain Schnapp (lire p. 32), qui a dirigé l’INHA de 2000 à septembre 2005. Sont en lice : Éric de Chassey (université de Tours, historien du XXe siècle), Thierry Dufresne (Paris-X, historien du XXe), Barthélémy Jobert (Paris-IV), Philippe Bordes (Lyon-II), Eberhard König (médiéviste) et l’archéologue François Queyrel (École pratique des hautes études, Paris).
Nomination suspendue
Face aux violentes critiques du milieu scientifique, la nomination de Jean Gautier est pour l’instant suspendue, mais le ministère de la Culture devrait prendre une décision d’ici à la fin de l’année. La menace de se voir imposer à sa direction un administratif et non un scientifique plane donc encore sur l’INHA. Une situation qui fragilise un peu plus l’institution, toujours dans l’attente des crédits nécessaires pour, enfin, lancer les travaux de sa grande bibliothèque (lire le JdA no 225, 18 novembre 2005). « L’Institut est victime de sa réputation, grossie par la mauvaise foi de certains universitaires ou autres instituts… Les pouvoirs publics sont donc à leur tour méfiants et il n’est pas surprenant de voir qu’ils tentent d’imposer un énarque, plus sensible à des questions d’ordre administratif ou économique », déplore un scientifique soulignant combien « il faut rester vigilant sur la question ».
(1) www.latribunedelart.com
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Manœuvres politiques à l’INHA
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°227 du 16 décembre 2005, avec le titre suivant : Manœuvres politiques à l’INHA