Pour son nouveau siège parisien, le groupe de luxe a acquis sept œuvres d’artistes internationaux en oubliant malheureusement la scène française.
PARIS - 4 mètres de hauteur, 15,25 mètres de long, 40 tonnnes : telles sont les mensurations des deux plaques d’acier de Single Double Torus. La pièce de Richard Serra orne la cour du nouveau siège de LVMH/Moët Hennessy.Louis Vuitton, au 22 de la rue Montaigne à Paris, inauguré le 25 mai. L’œuvre n’est pas inconnue, puisqu’elle barrait de sa masse imposante l’entrée de la Foire de Bâle l’an dernier. C’est là que Bernard Arnault, le président du groupe de luxe, l’a vue avant d’engager les discussions pour son acquisition. Une manière aussi de poursuivre à distance sa rivalité avec François Pinault, qui a depuis longtemps passé commande d’une sculpture à Richard Serra pour le parc de son château de Montfort -l’Amaury (Yvelines).
L’Américain n’est pas le seul artiste présent rue Montaigne puisque l’ancien siège de France 2, entièrement revisité par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, accueille les œuvres de sept artistes contemporains, à la notoriété parfois relativement récente mais dont le travail dispose déjà d’une belle audience internationale. Il faut se féliciter qu’un groupe de la puissance de LVMH renforce son mécénat en faveur de la création contemporaine. Ainsi, pour revenir à Richard Serra, après la calamiteuse aventure de Clara-Clara, déplacée dans la capitale avant d’être remisée, la sculpture de LVMH est la seule de l’artiste visible à Paris. Elle dialogue ici avec une pièce moins passionnante de Matthew Barney, Jachin and Boaz, ainsi qu’avec le Tyne Bridge de Chris Burden. À côté de ces œuvres acquises sur le marché de l’art, la société a passé commande de quatre vidéos à autant d’artistes. Dans le hall du bâtiment se dressent de hautes et étroites colonnes que l’architecte n’a pu faire disparaître, et pour cause, puisqu’elles tiennent les étages supérieurs. De ces contraintes sont nés huit écrans vidéo uniques au monde, hauts de sept mètres sur une largeur d’un mètre seulement. Entre les films promotionnels de LVMH y sont diffusées quatre œuvres créées spécialement pour ces écrans atypiques. La plus convaincante est sans conteste celle de Doug Aitken, promenade méditative et intemporelle dans la nature. Dans un autre style, Gary Hill explore le thème de la forêt tandis qu’Ugo Rondinone présente un arc-en-ciel de couleur évolutif et rythmé par une musique entêtante. Enfin, Michal Rovner fait courir sur les piliers ses personnages déjà vus dans le pavillon israélien de la dernière biennale de Venise, en 2003.
Une Israélienne, donc, mais aussi cinq Américains et un Suisse : 7-0, le verdict est sans appel pour les artistes français, qui méritent pourtant beaucoup mieux. LVMH, l’ambassadeur du luxe à la française serait-il hostile à la création hexagonale ? Interrogé, Jean-Paul Claverie, conseiller de Bernard Arnault, nous a assuré que des commandes seront passées dans l’avenir à des artistes français. Néanmoins, le mal est fait avec ce choix désastreux dans sa symbolique. Sans même demander au groupe de luxe de défendre nos créateurs – ce que l’on pourrait aussi être en droit d’attendre de lui –, on pouvait légitimement espérer le voir acquérir pour son siège ne serait-ce qu’une œuvre issue de la scène artistique française. Et si le message est clair – se positionner dans le contemporain haut de gamme en faisant une sélection digne d’un catalogue de vente de Christie’s, la société de François Pinault –, son négatif l’est tout autant : aucun artiste français n’est digne d’y figurer. Une prise de position qui ne vient malheureusement pas encourager les acteurs du milieu de l’art international à se tourner vers la scène française.
LVMH 22 avenue Montaigne, 75008 Paris, tél. 01 44 13 22 22, ouvert au public le samedi et sur demande spécifique à l’accueil.
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LVMH convoque l’art contemporain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : LVMH convoque l’art contemporain