Les nouvelles pratiques de mécénat croisé donnent lieu à des expériences inédites, associant la culture et les arts plastiques au champ social. L’exemple de la Fondation d’entreprise Marc de Lacharrière – Culture et Diversité.
Parmi les événements de l’année en matière de mécénat, le lancement le 3 octobre de la « Fondation d’entreprise Marc de Lacharrière – Culture et Diversité » apparaît à double titre comme l’un des plus originaux. D’abord parce que cette fondation illustre parfaitement la tendance nouvelle des mécènes à s’orienter vers un décloisonnement entre les secteurs traditionnels de la philanthropie – en l’occurrence entre culture et solidarité. Ensuite parce qu’elle est représentative d’un mécénat d’entreprise innovant, qui ne se contente pas de répondre aux sollicitations de plus en plus pressantes émanant d’institutions désargentées. Le président-directeur général de Fimalac (Financière Marc de Lacharrière) – une société de services financiers spécialisée dans la notation financière et la gestion de risques – n’en est, en effet, pas à son coup d’essai. En 1995, son entreprise signait un partenariat avec le Musée du Louvre pour la restauration de plusieurs œuvres majeures de son département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, parmi lesquelles le célèbre Gladiateur Borghèse. Soutien actif de la Fondation du patrimoine, propriétaire de la Revue des Deux Mondes et membre du conseil artistique des musées nationaux, Marc de Lacharrière a par ailleurs manifesté son engagement social lors de la création de la Fondation Agir contre l’exclusion. Il était somme toute logique, à l’heure où la formule « égalité des chances » est sur les lèvres de tous les hommes politiques, que ces deux intérêts se croisent au sein d’un même projet. Précisant que son action est totalement apolitique, le chef d’entreprise veut ainsi « mettre la création contemporaine et le patrimoine culturel au service de l’égalité des chances pour les jeunes de la région Île-de-France ». Une initiative d’autant plus inédite que, jusqu’à présent, le ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Travail n’a jamais manifesté d’entrain pour la promotion de ce type de projets. Récemment, Jacques Rigaud, président de l’Admical, relevait ainsi « l’opacité et l’indifférence complète des ministères sociaux sur le sujet du mécénat », déplorant n’avoir jamais été reçu, en dépit de ses sollicitations, par le ministre Jean-Louis Borloo.
Concrètement, trois programmes destinés à favoriser l’accès à la culture pour près de 1 500 jeunes Franciliens, âgés de 11 à 18 ans, ont été inscrits dans le premier volet d’action de la Fondation, dans le cadre d’un partenariat étendu à cinq ans. 10 millions d’euros leur seront progressivement affectés.
Ouvrir les filières
Les collégiens bénéficieront d’une initiation pratique aux arts plastiques pendant les vacances scolaires, dispensée par des artistes de l’association La Source. Créée en 1994 à La Guéroulde, dans l’Eure, par le peintre Gérard Garouste, La Source s’adressait jusqu’à présent exclusivement à des jeunes de milieux défavorisés issus de communes rurales. Pour les lycéens, l’accent a été mis sur la sensibilisation à l’histoire de l’art. Les élèves de cinq établissements classés en zone sensible de Créteil (Val-de-Marne), Aubergenville (Yvelines), Meaux, Noisiel (Seine-et-Marne) et Massy (Essone) ayant ouvert l’option « histoire des arts » pourront ainsi bénéficier d’une approche du monde des musées et du patrimoine ainsi que des filières professionnelles spécialisées. Cet enseignement sera dispensé par des étudiants de 4e année de l’École du Louvre. Les élèves de terminale se verront offrir la possibilité de suivre un stage de préparation au test probatoire d’entrée à l’École et, s’ils sont admis, bénéficieront d’une bourse d’études et d’un tutorat destiné à faciliter leur intégration dans l’univers feutré du palais du Louvre. « Nous avons mené cette réflexion sur l’égalité des chances depuis l’automne 2005, car le monde des musées appartient aussi à ces jeunes, précise Claire Barbillon, directrice des études à l’École du Louvre. Il est donc de notre rôle de leur donner des éléments de repère et de découverte. Pour nous, il s’agissait de lutter contre l’image d’une filière fermée ». Dès la rentrée 2007, une initiative similaire de banalisation de l’accès aux filières élitistes devrait être menée par les écoles de beaux-arts de Paris et Cergy-Pontoise, selon le vœu d’Olivier Kaeppelin, délégué aux Arts plastiques et membre du comité de pilotage de la fondation. Le troisième volet concerne enfin l’art théâtral à destination des collégiens et lycéens, et a été monté en partenariat avec le Théâtre du Rond-Point, à Paris.
Expérimentale, l’action de la fondation Culture et Diversité l’est sans conteste. Mais son fondateur a pris la sage précaution de jouer la complémentarité avec l’action publique, en s’appuyant sur la collaboration avec des établissements patentés, gage du professionnalisme et du sérieux de la démarche. Attentif aux résultats, Marc de Lacharrière pourrait ensuite décider d’élargir son champ à la totalité du territoire. Reste que ce type d’initiative pose une question fondamentale : celle de l’intervention de l’entreprise au sein du domaine de l’éducation nationale, intervention longtemps redoutée par les professeurs et les inspecteurs d’académie.
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L’intégration par la culture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°249 du 15 décembre 2006, avec le titre suivant : L’intégration par la culture