Dans México la trépidante, le graphisme règne en maître. « À la lumière transfiguratrice du néon, aux flancs des transports publics, dans la signalisation qui guide et protège le piéton, dans les panneaux publicitaires... », rappelle David Huerta. Le graphisme n’est pas un accessoire du paysage mais le paysage lui-même. » C’est donc à la découverte d’un véritable panorama urbain qu’il convie le visiteur amoureux des affiches. Cette exposition « Carteles de México » arrive enfin à Paris après avoir démarré son périple européen fin 1996. 100 affiches montrent la diversité du graphisme mexicain et ses principaux protagonistes actuels. À la question de savoir pourquoi il fascine, le commissaire de l’exposition, Giovanni Troconi, répond en six mots : « Culture, histoire, couleur, folklore, créativité et génie. » Quant aux raisons de son manque de reconnaissance internationale, il ajoute : « Ce qui manque n’est ni le talent ni la créativité mais plutôt le soutien et les initiatives qui permettraient de montrer notre travail au-delà des frontières puis, pourquoi pas, de commencer à exporter notre design. » À y regarder de plus près, on retrouve sur ces affiches d’étonnants mélanges d’iconographie typiquement mexicaine et de recherches typographiques nouvelles. Ainsi cette affiche réalisée par Carlos Villaseñor (né à México en 1959) pour la redécouverte de l’opéra Montezuma. Ne parlons pas ici de cette résurrection de l’œuvre lyrique de Carl Heinrich Graun et du grand Frédéric de Prusse, une curiosité du XVIIIe siècle oubliée des mélomanes, même. Pour évoquer ce drame mexicain du temps des Conquistadores, l’artiste montre un crâne embroché à une épée bien aiguisée. Fixant le spectateur de ses orbites expressives, le prince aztèque semble l’inviter à une dernière danse des morts. Plus loin, Eduardo Téllez (né à México en 1947) a choisi un cactus fleuri placé sur un fond aux couleurs du pays du soleil levant pour fêter le centenaire de l’immigration japonaise au Mexique. Et du même artiste, une affiche de la société Colorgrafico arbore un profil maya affublé d’une palette graphique digne du plus flamboyant Quetzalcoatl. Nombreux sont ceux qui travaillent dans la presse comme Rocío Mireles qui dirige Poliester, une revue d’art contemporain, ou Leonel Sagahón qui publie ses œuvres dans Idea ou Matiz. Aux délires graphiques d’Alejandro Magallanes (né à México en 1971) et à ceux du studio Hula Hula (fondé en 1996 par Quique Ollervides et Javier Ramirez) spécialisé dans les pochettes de disques et les sites Internet, répondent les créations anachroniques de Rafael López Castro. Né dans l’état de Jalisco, ce Mexicain a fait ses premières armes dans la publicité, puis dans le groupe de graphistes de l’imprimerie Madero. Après avoir été directeur du département du graphisme du Fondo de Cultura ecónomica (FCE), il fonde les éditions Eremitaño. Pour l’Universidad del Claustro de Sor Juana, il décline l’image de cette figure tutélaire en variations chromatiques et riches de divers attributs. Sœur Jeanne se retrouve, suivant les besoins de la communication universitaire, soit porteuse d’armoiries, soit flanquée d’un chat aux couleurs fauves. Quant à l’affiche de La Passion de Ixtapalapa, elle permet à un Christ sérigraphié de parler en direct dans un micro. Une passion visuelle aux couleurs d’aujourd’hui.
PARIS, galerie Anatome, 22 septembre-2 décembre.
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L’impertinence des graphistes mexicains
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°519 du 1 septembre 2000, avec le titre suivant : L’impertinence des graphistes mexicains