Lors de sa Conférence générale à Rio, le Conseil international des musées a souhaité décentraliser son organisation et sa philosophie.
RIO DE JANEIRO - Comme beaucoup d’organisations internationales, le Conseil international des musées (Icom) porte une ambition internationaliste issue d’un concept très européen : le musée (du grec mouseîon, temple consacré aux muses). Dans ses statuts, il en postule une définition plus large : « institution permanente sans but lucratif au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel […] à des fins d’études, d’éducation et de délectation ». Refusant le tropisme occidental, l’Icom, à Rio (Brésil), a entériné son ouverture vers le sud. Le chantier est d’importance : plus de 80 % des membres sont européens. Leurs cotisations permettent à des institutions du bout du monde de partager une idée différente du musée. Ce partage a trouvé son point culminant dans l’organisation de la Conférence générale triennale qui s’est tenue cette année à Rio, du 10 au 17 août. Trois ans après Shanghai, l’Icom impose pour la première fois à ses membres deux étapes consécutives non-européennes, avant de revenir en 2016 prochain à Milan. C’est aussi dans cette logique d’ouverture que le thème général de la Conférence était formulé par l’équation suivante : « Musée (mémoire créativité) = progrès social ».
Un agenda culturel attendu
Dans un pays hôte qui connaît depuis peu des troubles sociaux face auxquels le secteur culturel a mis du temps à se positionner (voir JdA n° 395 du 5 juillet), l’occasion était trop belle, pour l’Icom, d’ancrer les musées dans le présent et le futur proche, et pour le Brésil, de montrer au monde un visage muséal en phase avec ses questions sociétales. Le comité d’organisation a ainsi convié des conférenciers qui ont collé au thème retenu : Ulpiano Bezerra de Menezes, historien brésilien ; Jorge Melguizo, intellectuel colombien devenu adjoint à la culture de la ville de Medellin ; Jorge Wagensberg, muséologue espagnol et seul européen ; enfin Mia Couto, écrivain mozambicain dont la poésie a éclairé la conférence. Ces interventions ont donné le ton de la semaine, au sein de la magnifique – et encore partiellement en travaux – Cité des arts de Christian de Portzamparc (voir JdA n° 385 de février 2013). Hors-les-murs, les professionnels ont été conviés à visiter de nombreuses favelas, musées à ciel ouvert d’expériences éducatives, scientifiques ou artistiques originales. Le président de l’Icom s’est enthousiasmé à propos des « formes d’expression populaires monumentales, qui créent des musées dans la ville, par la ville », mettant en exergue la photographie géante et provocatrice qui recouvre les murs de l’université fédérale. C’est toujours en cohérence avec le thème qu’André Desvallées a été nommé membre honoraire de l’Icom. Ce conservateur général du patrimoine, ayant longuement collaboré avec le muséologue Georges-Henri Rivière, est à l’origine du concept de nouvelle muséologie dans les années 1980 et a notamment cofondé l’association « muséologie nouvelle et expérimentation sociale ».
Hans-Martin Hinz réélu
Sans enjeu interne majeur, cette semaine de discussions a donc surtout permis de renforcer l’ambition et la représentativité internationale de l’Icom. Si le président sortant Hans-Martin Hinz a été réélu face au Brésilien Carlos Roberto Brandão, président du comité d’organisation et faire valoir de circonstance, c’est avec un programme à peu près identique : l’avenir est à la plus grande valorisation du rôle des comités nationaux (pays) et internationaux (organisés en thèmes : sécurité, conservation, ou en spécialités : art moderne, égyptologie…) face au conseil exécutif et à la direction générale. Ultime consensus, le vote a ainsi félicité le sortant pour sa gestion de la crise récente (voir JdA n° 393 du 7 juin). La discrétion d’Hanna Pennock, directrice générale par intérim jusqu’en décembre, tranche d’ailleurs avec l’image de son prédécesseur, Julien Anfruns. Elle augure d’un léger rééquilibrage des influences au sein de l’organisation. Vers le sud, vraisemblablement.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’Icom, les yeux vers le sud
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°396 du 6 septembre 2013, avec le titre suivant : L’Icom, les yeux vers le sud