Le couple a été condamné à payer la table Boulle adjugée cent fois son estimation à Drouot en 2001.
PARIS - Dans un jugement rendu le 13 octobre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a débouté le couple Pinault de sa demande en nullité de la vente d’un meuble qu’il avait acquis le 14 décembre 2001 à Drouot. Il s’agissait d’une table à écrire d’époque Louis XVI en marqueterie Boulle estampillé Dufour pour laquelle les collectionneurs s’étaient enflammés jusqu’à 1,2 million d’euros (hors frais), multipliant par cent l’estimation de 12 000 euros (lire le JdA no 142, 8 février 2002). C’est dans une atmosphère survoltée que les Pinault avaient surenchéri au téléphone, car bien que l’ensemble des cent quarante-sept lots de la vacation fût dispersé sans renfort de publicité, leur provenance Rothschild était un secret de Polichinelle. Le bruit ayant couru aussitôt après la vente que certains objets avaient été surpayés compte tenu de leur état et/ou de leur authenticité, dont la table Boulle, les acheteurs avaient immédiatement regretté leur achat et saisi la justice, invoquant l’erreur sur les qualités substantielles. Au terme de plus de trois années de procédure, il n’a pas été établi de défaut de conformité à la description du catalogue, lequel mentionnait d’ailleurs des « accidents et restaurations ». Une expertise judiciaire menée par l’ébéniste Jean-Paul Jouan, datant du 15 juin 2003, indique que la table a bien été fabriquée à l’époque Louis XVI par Dufour en reprenant une marqueterie Boulle d’époque Louis XIV et que les restaurations intervenues au XIXe, concernant, pour l’essentiel, les pieds, l’intérieur des tiroirs, le cuir du plateau et la dorure des bronzes, étaient destinées à en assurer la conservation. Le tribunal a considéré que de telles restaurations n’ont pas pour autant porté atteinte à l’authenticité du meuble. Concernant l’obligation invoquée par les Pinault d’informer l’acquéreur lorsqu’une ou plusieurs parties d’un objet vendu sont de fabrication postérieure, le tribunal, s’appuyant sur ce même rapport, répond que « la transformation du meuble ne pouvait être décelée sans démontage préalable et [qu’]il n’appartenait pas à l’expert de la vente, Benoît Derouineau, de procéder à cette opération ». Le tribunal estime également qu’« en se portant adjudicataires pour la somme de 1,2 million d’euros, représentant cent fois le montant de l’estimation dont la modicité est expliquée par l’importance des accidents et restaurations, M. et Mme Pinault, de surcroît amateurs d’art éclairés et assistés d’un ébéniste lors de l’exposition, ont nécessairement accepté un risque ». En conséquence, le couple a été condamné à payer sa table Boulle. Selon Me Jean-Loup Nitot, avocat de l’expert de la vente, « la provenance Rothschild (que tout le monde savait) a été déterminante pour Mme Pinault ». Me Jean-Marc Fedida, avocat du couple, a interjeté appel de la décision. Il a déclaré à l’issue du procès : « C’est surréaliste qu’avec des pieds et un plateau faux un meuble soit considéré comme bon, et je suis préoccupé pour les collectionneurs, car ce jugement est contre-productif pour les salles de vente. »
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Les Pinault déboutés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°224 du 4 novembre 2005, avec le titre suivant : Les Pinault déboutés