Déjà perceptible en 2005, l’érosion des subventions destinées à l’enrichissement des collections publiques s’est confirmée en 2006. Le recours au mécénat est devenu indispensable.
Mission première des musées, l’enrichissement du patrimoine ne semble plus être une réelle priorité dans la distribution des fonds publics. Les fantasmes sur l’ampleur des collections placées en réserves des institutions n’ont, par ailleurs, fait qu’accentuer l’érosion continue des budgets d’acquisitions des musées, dans un marché de l’art qui plus est prospère. En témoignent les données collectées dans notre dossier. Au total, les budgets publics pour les achats des musées tournent autour de 60 millions d’euros. À titre comparatif, en 2004, le Getty Museum de Los Angeles avait acquis le Portrait d’Alfonso d’Avalos de Titien pour une somme à peu près équivalente (70 millions de dollars). 2006 ne s’est donc pas avérée être une année des plus fastueuses, malgré la médiatisation tapageuse de quelques grandes acquisitions dues au mécénat. En toute logique, celles-ci ont bénéficié aux grands établissements publics, le Louvre en tête avec des acquisitions spectaculaires telles La Sainte Madeleine de Quentin Metsys (lire le JdA n°249, 15 décembre, p. 16). Loin derrière le Musée du Louvre (plus de 24 millions d’euros) arrivent le Musée des arts asiatiques Guimet (6 millions d’euros, voir encadré), le Musée national d’art moderne (4,5 millions d’euros), talonné de peu par les Arts décoratifs (4,3 millions d’euros). La situation particulière des musées de Strasbourg (lire p. 19), auxquels la ville a octroyé plus de 2,5 millions d’euros, lui offre une place de choix au milieu des établissements essentiellement parisiens : Musée d’art moderne de la Ville de Paris (2,4 millions d’euros), Musée d’Orsay (2,1 millions d’euros) ou Musée du quai Branly (1,8 million d’euros). En revanche, la situation est souvent moins florissante pour les musées des collectivités locales. Pour cette année, seul le Musée des beaux-arts de Tours a pu s’offrir un trésor national, deux huiles sur bois du XVe siècle, acquises grâce au mécénat. Si la situation reste peu encourageante pour les musées, elle l’est encore moins pour les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC), pour qui acheter une œuvre à 40 000 euros relève de l’événement. Pourtant, si les FRAC, de statut associatif, ne peuvent pas toujours en disposer, les institutions publiques bénéficient d’une palette importante de moyens d’acquisitions. Outre la possibilité de préemption en vente publique (à la valeur de la dernière enchère), les établissements héritent désormais de plus en plus des libéralités (mécénat, dons et legs), qui viennent ainsi compenser le désengagement des pouvoirs publics (les libéralités représentent 65 % du total des acquisitions des musées contre 15 % grâce aux subventions). Quant aux dations, qui sont un paiement de l’impôt en nature, elles ne sont qu’un épiphénomène contrairement aux idées reçues. Seuls dix-neuf groupes d’œuvres ont été acceptés en dation en 2006, dont neuf pour le Musée du Louvre, parmi lesquels trois pastels de Simon Vouet et des majoliques d’Urbino ayant appartenu au service d’Isabelle d’Este. La création d’un Observatoire de l’enrichissement du patrimoine culturel proposée par le rapport Collinet (juillet 2005) permettrait donc, en rendant transparentes les acquisitions, de lever un certain nombre d’a priori sur le sujet.
Le Musée Guimet présente pour la première fois dans ses espaces une exposition consacrée à ses dix dernières années acquisitions, qui ont vu son inventaire s’enrichir de quelque 5 940 numéros. Depuis son ouverture en 1889, le musée n’a en effet cessé de bénéficier de donations. Le plan de rénovation achevé en 2001 a par ailleurs renforcé la crédibilité du musée, qui bénéficie de dons de collectionneurs nord américains ou indiens ne résidant pas en France. Disséminées dans le musée et identifiées par un label, les 82 œuvres sélectionnées dans ce cadre illustrent la multiplicité et la diversité des collections, d’après un itinéraire allant de l’Inde au Japon. Elles sont aussi l’occasion pour son directeur, Jean-François Jarrige, de réaffirmer l’importance de mener une politique d’acquisition dynamique. « Les musées n’accumulent pas pour le plaisir. Un musée qui ne fait pas d’acquisitions se démode et, à terme, ne recevra plus de donation. Car le collectionneur est un homme passionné qui donne de préférence à une institution avec laquelle il partage une même passion. Quant à cette polémique sur les trésors cachés des musées, elle est totalement absurde ! Tous les chefs-d’œuvre sont présentés. Mais certaines œuvres sont trop fragiles pour être prêtées, et pour y répondre, les musées doivent avoir une grosse réserve. Un jour, l’intégralité des collections sera visible sur Internet et l’on verra vraiment ce qui existe ! Enfin, acquérir permet d’anticiper et de réunir ce qu’il sera impossible d’acheter dans 10 ou 20 ans. » S. F. « De l’Inde au Japon – 10 ans d’acquisitions au Musée Guimet 1996-2006 », exposition parcours organisée au sein de la collection permanente, Musée national des arts asiatiques Guimet, 6, place d’Iéna, 75016 Paris, www.guimet.fr, tél. 01 56 52 53 00, tlj sauf mardi 10h-18h. Jusqu’au 13 décembre.
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Les musées au régime
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : Les musées au régime