NEW YORK / ETATS-UNIS
Avec l’arrivée récente d’Almine Rech et Ceysson & Bénétière, les « Frenchies » sont de plus en plus nombreux à s’installer à New York. Pour autant, bien peu sont installés à Chelsea, pour des raisons économiques, mais pas seulement.
New York. On l’oublie souvent : les galeries d’art contemporain constituent l’un des points forts du marché français. Qu’elles soient établies à Bruxelles (Templon, Nathalie Obadia, Almine Rech, Michel Rein, La Forest Divonne), à Londres (Almine Rech, Kamel Mennour, Thaddaeus Ropac) ou dans les meilleures foires internationales, elles sont présentes en nombre. Depuis quelques mois, leur implantation s’est également singulièrement renforcée à New York, au cœur même du marché mondial de l’art.
Si on les compare à celles des autres pays – hors États-Unis – qui pèsent le plus lourd sur le marché international de l’art, qu’elles soient britanniques, allemandes ou suisses, les enseignes françaises s’en sortent bien à prendre en compte leur présence à New York. Certes, aucune ne peut rivaliser avec l’Allemand David Zwirner (qui a commencé sa carrière de galeriste aux États-Unis) ou avec les Suisses Hauser & Wirth en termes de représentation d’artistes stars, de poids sur le marché et de giga espace au cœur de Chelsea, là où se concentre l’essentiel du pouvoir, mais les derniers mois ont connu une nette intensification de la présence française à Manhattan.
L’implantation de galeries françaises à New York s’inscrit dans une prestigieuse filiation, celle des Paul Durand-Ruel et Pierre Matisse. Vinrent ensuite d’autres grands noms du marché comme Yvon Lambert qui, de 2003 à 2011, a tenu galerie au cœur de Chelsea, sur la 21e rue, mais qui s’est retiré trois ans avant de fermer aussi son espace parisien. Quant à la galerie Lelong, créée en 1981 et héritière de la prestigieuse galerie Maeght trônant à Paris rue de Téhéran dès 1945, elle a aussitôt transformé en galerie le bureau que le visionnaire Aimé Maeght avait ouvert à New York, sur la 57e rue, au dernier étage du Solow Building, en 1978. En 1985, la galerie a traversé la rue pour un plus vaste espace et y est restée seize ans. Voulant encore s’étendre en 2001, Lelong a fait le choix de Chelsea. Situé sur la 26e rue, le bel espace de la galerie accessible au public se complète par une toute récente extension en étage. À noter, la liste des artistes présentés à New York diffère de celle de Paris, en raison notamment des liens de la directrice new-yorkaise avec l’Amérique latine, ses artistes et ses collectionneurs.
Créée à Paris en 1992, dans le Marais, la galerie Zürcher s’est installée également à New York en 2009, dans un espace du Lower East Side, sur Bleecker Street, qui conserve le charme bohème du quartier. Après la soudaine disparition de son époux Bernard en 2017, Gwénolée Zürcher, qui s’investissait fortement dans la programmation new-yorkaise, a décidé de suspendre l’activité de la galerie parisienne et de se consacrer pleinement à l’antenne de Manhattan.
L’East side remporte le suffrage des galeriste français
La galerie Richard, également fondée à Paris en 1992 (*), s’est installée à New York car bon nombre de ses artistes n’y étaient pas représentés et aussi… pour vivre l’aventure américaine ! D’abord installée en plein Chelsea, en 2011, elle a ensuite dû quitter son espace remplacé par un immeuble résidentiel de luxe, et a elle aussi opté pour le Lower East Side en 2015. Qu’est-ce qui a changé entre les deux quartiers ? « Chelsea est une foire d’art toute l’année ! Déménager dans le Lower East Side a entraîné une baisse de fréquentation des collectionneurs, mais une hausse de celle des artistes. Il faut donc être plus présent sur les réseaux sociaux et dans les foires ».
Déjà présente à Paris, Bruxelles et Londres, la galerie Almine Rech s’est implantée à New York, en plein Upper East Side, en 2016 (voir interview ci-après).
La galerie Ceysson & Bénétière (ex Bernard Ceysson), s’est internationalisée de façon fulgurante. Créée en 2006 à Saint-Étienne, elle s’est implantée à Luxembourg en 2008, à Paris en 2009, à Genève en 2012 puis à New York (qu’elle visait déjà en 2009), en 2017, elle aussi en plein Upper East side. Située sur Madison Avenue, la galerie de 80 m2 offre une vue sur le Met Breuer et se trouve à deux pas de l’immense galerie Gagosian du quartier. Comme l’explique François Ceysson : « Nous avons évidemment songé à Chelsea, mais une galerie doit y être massive si elle veut être intégrée dans le circuit des collectionneurs et ne pas apparaître complètement secondaire. » Son associé Loïc Bénétière poursuit : « Par rapport à ses atouts, l’Upper East Side n’est finalement pas si cher. Il permet de bénéficier d’un flux de visiteurs lié à la proximité tant des musées que du domicile des collectionneurs. »
L’hyperactif Emmanuel Perrotin a ouvert sa première galerie, à Paris, en 1989, à l’âge de 21 ans et, depuis, a inauguré pas loin de vingt espaces dans le monde ! Son expansion à Paris, désormais au cœur du marché français dans le quartier du Marais, dans de somptueux volumes, s’est accompagnée d’une constante internationalisation. Les États-Unis ne pouvaient pas être en reste. Après une parenthèse audacieuse mais risquée, à Miami, de 2004 à 2011, la galerie s’est ancrée à New York, en 2013, dans l’Upper East Side, sur Madison Avenue. L’environnement, très bourgeois et classique, comme l’aménagement du lieu (parquet et moulures) tranchaient avec l’image globale de la galerie. En 2017, celle-ci a fait le pari, beaucoup plus convaincant, d’ouvrir en plein Lower East Side, sur Orchard Street. Pourquoi pas Chelsea ? « Le quartier de Chelsea est forcément envisagé lorsque l’on décide d’ouvrir une galerie à New York. Mais il aurait été dommage d’arriver à la fin d’une histoire qui ne nous correspondait plus. » Le très vaste espace – 2 300 m2, soit huit fois plus que dans l’Upper East Side, occupant cinq niveaux –, qui sera pleinement aménagé en 2018, s’annonce magnifique, avec notamment un dernier étage offrant six mètres de hauteur sous plafond. Le lieu devrait intensifier la présence de la galerie à New York et désormais constituer, avec le New Museum, le nouveau cœur de ce quartier.
(*) La galerie Richard tient à nous préciser qu’elle a ouvert en septembre 1989 dans la rue Keller (sous le nom de Galerie OZ).
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Les galeries françaises consolident leur présence à Manhattan
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : Les galeries françaises consolident leur présence à Manhattan