WASHINGTON / ÉTATS-UNIS
Le Pentagone lève une interdiction décrétée par Trump qui considéraient ces œuvres comme propriété des États-Unis.
Le ministère de la Défense américain vient de lever l'interdiction qui empêchait les prisonniers de la prison de Guantánamo à Cuba de pouvoir conserver leurs œuvres d'art lorsqu’ils quittent la prison. L’administration Trump avait considéré ces œuvres comme propriétés exclusives du gouvernement américain.
Selon le New York Times qui rapporte l’information, les détenus sont autorisés à emporter « une quantité réaliste de leurs œuvres » lorsqu'ils quittent Guantánamo, selon les termes du porte-parole du Pentagone, le lieutenant-colonel Cesar Santiago. Cependant, la notion de « quantité réaliste » n’a pas été définie et à l’heure actuelle le ministère de la Défense considère toujours ces œuvres d'art comme « propriété du gouvernement des États-Unis ».
La prison avait imposé cette interdiction fin 2017. Jusque-là, elle autorisait les avocats des détenus à emporter les œuvres d'art de leurs clients hors de la base navale, après un contrôle de sécurité qui pouvait aller jusqu’à une radiographie. Certains détenus transférés hors de la base avaient également été autorisés à emporter leurs œuvres d'art.
Mais une exposition d'art en 2017 à New York intitulée « Ode à la mer » avait agacé Trump. Elle présentait des paysages marins, des maquettes de bateaux et d'autres œuvres réalisées par des anciens détenus et des détenus actuels de la prison américaine. Son site internet proposait ces œuvres à la vente. La médiatisation de cette exposition avait fortement déplu à l’administration Trump qui avait alors pour la première fois déclaré ces œuvres d'art propriété du gouvernement. Les avocats de la défense avaient protesté contre cette interdiction, mais n'ont jamais intenté de procès en propriété intellectuelle devant un tribunal fédéral pour y remédier.
La concession du Pentagone intervient à un moment important. Sur les 34 hommes actuellement détenus à Guantánamo, 20 ont été autorisés à être transférés avec des dispositions de sécurité. Aucun d'entre eux n'a été accusé de crime. Parmi eux se trouvent de nombreux hommes qui ont passé les dernières années de leur détention à peindre, dessiner et créer des sculptures dans des cours d'art avec parfois une cheville enchaînée au sol.
L'année dernière, le différend concernant les œuvres d'art a suscité l'intérêt de deux rapporteurs des Nations-Unies - l'un s'occupant des droits de l'homme, l'autre des droits culturels - qui ont écrit une lettre au secrétaire d'État Antony Blinken pour s'enquérir de cette décision. Ils ont spécifiquement mentionné cinq artistes emprisonnés parmi les 20 dont le transfert avait été approuvé, les qualifiant de victimes de « restrictions disproportionnées de l'exercice de la liberté d’expression artistique ». L'un d'eux est un prisonnier pakistanais, Mohammed Ahmed Ghulam Rabbani, 53 ans, dont le rapatriement a été approuvé. Les quatre autres sont des Yéménites qui n'ont nulle part où aller puisque le Congrès américain interdit les rapatriements vers leur pays déchiré par la guerre.
L'administration Biden n'a pas encore répondu aux responsables de l'ONU. Mais l'un des rapporteurs visite cette semaine le centre de détention de Guantánamo. Le sujet des œuvres d'art devrait y être abordé.
Pendant des années, avant l'interdiction, la prison avait présenté les œuvres d'art des détenus lors des visites de journalistes et de délégations. Les journalistes étaient même encouragés à les photographier. Une fois l'interdiction imposée, ils n’ont plus été autorisés à voir les œuvres d'art.