Le Fonds national d’art contemporain a acheté trente œuvres sur la FIAC. Comparaison avec l’initiative du fonds d’achat pour la Tate sur Frieze Art Fair à Londres.
PARIS - Pour la seconde année consécutive, la commission d’achat du Fonds national d’art contemporain (FNAC) a fait ses emplettes sur la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) avec un budget de 400 000 euros. Une initiative qui emboîte le pas au fonds d’acquisition pour la Tate lancé en 2003 sur la foire Frieze Art Fair à Londres. La commission du FNAC se compose de quatorze membres, dont neuf « personnalités qualifiées ». Mené par les collectionneurs Candida Gertler et Yana Peel, le fonds pour la Tate, d’une valeur de 150 000 livres sterling (223 576 euros), s’avère financé par des amateurs privés. La sélection des œuvres revient toutefois à des curateurs invités, en liaison avec les conservateurs du musée.
La nature des récipiendaires différencie forcément les approches. Bien que faiblement doté, le fonds pour la Tate revendique des choix pointus, car l’optique est d’enrichir, mieux, d’aiguiser une collection. En revanche, le FNAC, est, comme son nom l’indique, un fonds, un réservoir destiné à nourrir en dépôts les collections publiques.
En optant pour un saupoudrage, sa commission a visiblement voulu contenter un maximum d’exposants. D’exposants français pour être précis, puisque sur les trente œuvres acquises le 25 octobre, vingt l’ont été auprès des galeries hexagonales. En revanche, sur les quinze achats effectués le 11 octobre par le fonds pour la Tate, seuls cinq ont profité aux enseignes britanniques. « Nous avons une attitude de découverte, explique le délégué aux arts plastiques, Olivier Kaeppelin. Nous voulions acheter des artistes peu représentés au FNAC, pour compléter un début de travail. C’est le cas par exemple d’Ida Tursic et Wilfried Mille, dont le FNAC avait déjà acheté une pièce l’an dernier. Dans d’autres cas, nous avons cherché à compléter un grand ensemble existant. » Ce dernier critère a présidé à l’achat d’une photo de Candida Höfer chez Eva Presenhuber (Zurich) et d’une autre de Stéphane Couturier chez Polaris (Paris). Cette volonté accuse toutefois un petit loupé. La commission avait ainsi lorgné sur deux photos de Walid Rahad chez Sfeir-Semler (Hambourg/Beyrouth). Un achat logique puisque le FNAC possède déjà toute une série de photos de l’artiste montrée à la Documenta de Cassel en 2003. La commission s’est apparemment emmêlé les pinceaux dans les prix et, une fois son budget éclusé, n’a pu prétendre aux photos affichées pour 10 500 euros.
Les galeries parisiennes Chantal Crousel et Air de Paris ont en commun d’avoir vendu aussi bien au fonds pour la Tate qu’au FNAC. La Tate a ainsi acquis pour 35 000 euros chez Chantal Crousel une pièce de Thomas Hirschhorn baptisée Chandeliers. Il s’agit de l’achat le plus onéreux effectué par ce fonds. Le FNAC a pour sa part alloué 10 % de son budget à l’achat d’une œuvre jubilatoire d’Alain Séchas, baptisée Hommage à Émile Coué. « Dans les deux cas, les ventes étaient préparées à l’avance, précise Chantal Crousel. Pour la pièce de Séchas, j’avais déjà fait une proposition au FNAC l’été dernier, et l’on m’a conseillé de présenter l’œuvre sur la FIAC pour que la commission puisse l’acheter. La pièce de Hirschhorn avait aussi été proposée à la Tate quelques semaines avant Frieze. »
La séduction facile
Bien qu’a priori la commission du FNAC s’attache à n’acheter qu’une œuvre par galerie, elle s’est autorisé une entorse en faveur d’Erna Hecey (Bruxelles) et de Micheline Szwajcer (Anvers). Chez la première, elle a emporté Map, tirage offset de Peter Friedl et deux photos de Pierre Bismuth. La seconde a vendu Laboratoire, une installation composée de cinq pièces d’Ann Veronica Janssens et une belle Fenêtre de Tobias Rehberger. Cet achat ne figure pas dans la liste fournie par le ministère car il sera comptabilisé sur l’exercice 2007.
Sur la quinzaine d’acquisitions effectuées à la Cour carrée du Louvre, certaines sortent du lot. Il s’agit d’une installation baptisée Projection (26 000 euros), réalisée par Michal Budny et Zbigniew Rogalski, chez Raster (Varsovie). Parmi les autres pièces appréciables, on relève Bit Flow de Julius Popp, Autumn Dale de Miri Segal, installation vidéo dont une édition a aussi séduit le collectionneur Antoine de Galbert, et un film de Laurent Montaron, What Remains is Future. Le FNAC avait déjà emporté l’an dernier sur la FIAC un autre film de Montaron intitulé Readings auprès de la galerie LMAK Projects (New York). Pour la galerie Schleicher Lange (Paris), qui a cédé la nouvelle pièce, l’onction institutionnelle a ceci de positif qu’elle rassure les visiteurs. Mais, revers de la médaille, une acquisition du FNAC prive a priori d’autres institutions nationales de briguer une seconde édition de l’œuvre. Le problème a ainsi surgi lorsque Schleicher Lange a proposé Readings à la commission d’acquisition du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Alsace.
Si tous les achats du FNAC se justifient d’une manière ou d’une autre, il en est un plutôt inexplicable. Il s’agit de Save Manhattan, une pièce de Mounir Fatmi éditée à cinq exemplaires. Celle-ci se compose d’une juxtaposition de Corans et de livres publiés après les attentats du 11-Septembre 2001, dont l’ombre portée sur un mur simule l’architecture new-yorkaise. La galerie La B.A.N.K. (Paris) en exigeait le prix exorbitant de 15 000 euros ! De l’aveu de plusieurs membres de la commission, celle-ci aurait été « séduite par une œuvre d’illusion, théâtrale ». La séduction facile gagne apparemment toutes les catégories d’acheteurs…
Nous reviendrons sur la FIAC dans notre prochain numéro.
Pierre Bismuth (galerie Erna Hecey, Bruxelles) Rebecca Bournigault (galerie Frédéric Giroux, Paris) Michal Budny et Zbigniew Rogalski (galerie Raster, Varsovie) Marie-José Burki (galerie Baronian-Francey, Bruxelles) Gianni Caravaggio (galerie Tucci Russo, Torre Pellice) Stéphane Couturier (galerie Polaris, Paris) Mounir Fatmi (galerie La B.A.N.K., Paris) Hreinn Fridfinnsson (galerie Claudine Papillon, Paris) Peter Friedl (galerie Erna Hecey, Bruxelles) Jochen Gerner (galerie Anne Barrault, Paris) Candida Höfer (galerie Eva Presenhuber, Zürich) Ann Veronica Janssens (galerie Micheline Szwajcer, Anvers) Peter Klare (Atelier Cardenas Bellanger, Paris) Jan Kopp (galerie Maisonneuve, Paris) Emmanuel Lagarrigue (galerie Alain Gutharc, Paris) Laurent Montaron (galerie Schleicher Lange, Paris) pYves Oppenheim (galerie Xippas, Paris) Julius Popp (galerie Jocelyn Wolff, Paris) Werner Reiterer (galerie Krinzinger, Vienne) Robin Rhode (galerie Kamel Mennour, Paris) Georges Rousse (galerie Catherine Putman, Paris) Vittorio Santoro (galerie Cortex Athletico, Bordeaux) Gino Sarfatti (Mouvements modernes, Paris) Alain Séchas (galerie Chantal Crousel, Paris) Miri Segal (Dvir, Tel Aviv) Bruno Serralongue (galerie Air de Paris, Paris) Peter Soriano (galerie Jean Fournier, Paris) Ida Tursic et Wilfried Mille (galerie ietro Sparta, Chagny) Didier Trenet (galerie Aline Vidal, Paris) Atelier Van Lieshout (galerie Distrito Cu4tro, Madrid).
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Les collections font salons
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Abonnez-vous dès 1 €La commission d’acquisition du FNAC a obtenu auprès des galeries des remises allant de 15 % à 25 %. « Je fais toujours un prix au FNAC et aux artothèques. Je me dis que l’argent économisé ne sert pas à partir aux Bahamas, mais à acheter des œuvres d’autres artistes. Si vingt galeries font 15 %, la commission peut acheter trois pièces de plus », observe Bernard Utudjian, de la galerie Polaris (Paris). « Avec l’accord de l’artiste », Jocelyn Wolff (Paris) a fléchi la barre de 30 000 euros à 24 000 euros pour l’installation de Julius Popp. De même, la galerie Baronian-Francey (Bruxelles) a retiré 2 000 euros au prix initial de 14 000 euros pour l’œuvre de Marie-José Burki. Parce que l’État le vaut bien ?
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Les collections font salons