Des archives de Downing Street révèlent que le ministère de la Défense avait jadis voulu acquérir le portrait de Winston Churchill par Sutherland. Mais le gouvernement britannique ignorait alors que Clementine, l’épouse du Premier ministre, l’avait déjà détruit.
LONDRES (de notre correspondant) - Le portrait avait été commandé à Sutherland par les deux Chambres du Parlement pour le quatre-vingtième anniversaire de Churchill, en 1954. Lors de la première séance de pose, Churchill demanda à l’artiste s’il allait le peindre "en bouledogue ou en chérubin ?". "Cela dépend de ce que vous me montrerez !", rétorqua Sutherland. Devant le résultat final, qui donnait de lui un air particulièrement maussade, Churchill se prit d’une violente aversion pour ce cadeau, qu’il remisa dans une réserve de son manoir de Chartwell.
Le gouvernement songea acquérir l’objet du délit un an avant la mort de Churchill. Un dossier de Downing Street, conservé aux Archives publiques, révèle que le ministre de la Défense, Peter Thorneycroft, écrivit à ce propos au ministère des Travaux publics le 16 septembre. "Je suis conscient des sentiments très vifs que ce portrait a suscités chez Winston", reconnaissait Thorneycroft.
Mais d’ajouter : "Avec tout le respect que je porte à l’opinion de Winston, j’estime que ce portrait est en soi une œuvre d’art de premier ordre, et je ne doute pas que les générations futures en jugeront de même." Le tableau, soulignait Thorneycroft, rendait toute la "pugnacité et la détermination" du chef de guerre qu’avait été Churchill, et il ne pouvait être mieux à sa place que dans le bureau du ministre de la Défense : le sien.
Un double de la lettre de Thorneycroft fut adressé au Premier ministre. "Je n’aime pas ce tableau, encore que je puisse revenir sur mon idée en le revoyant", nota Sir Alec Douglas-Home dans la marge.
C’est seulement après la mort de Clementine Churchill, survenue en 1977, qu’on apprit ce qu’il était advenu du portrait. Afin de calmer son époux, Clementine avait ordonné de brûler en secret la peinture de Sutherland en 1955-1956. Mais en 1964, lorsque Thorneycroft avait fait part en privé à Mary Soames, la fille de Churchill, de son désir d’acquérir le tableau, celle-ci ignorait le sort que lui avait réservé sa mère.
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Les cendres d’un Churchill
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°18 du 1 octobre 1995, avec le titre suivant : Les cendres d’un Churchill