Archéologue japonais de renom, Shinichi Fujimura a été contraint à un incroyable aveu : il a reconnu avoir fabriqué les traces d’habitat remontant à plus de 600 000 ans, découvertes récemment. Au-delà de l’émoi suscité par une telle révélation, cette pratique, aussi ancienne que l’archéologie elle-même, soulève de nombreuses interrogations sur les progrès récents dans la connaissance du Paléolithique dans l’archipel.
TOKYO - Tels de vulgaires cyclistes dopés, les scientifiques seraient-ils contraints de tricher pour satisfaire l’obligation de résultat qui pèse sur eux ? C’est ainsi que l’archéologue japonais Shinichi Fujimura a tenté de justifier les falsifications dont il s’est rendu coupable. Quelques jours après avoir annoncé triomphalement la découverte de traces d’habitations du Paléolithique remontant à plus de 600 000 ans, ce qui en faisait les plus anciennes mises au jour jusqu’à présent sur l’archipel, il a reconnu les avoir fabriquées. Il a été confondu par les photographes du journal Mainichi Shimbun, qui l’ont pris en photo, un matin à l’aube, en train d’enterrer des objets sur un site qu’il devait ensuite fouiller avec des collègues, à Kamitakamori, à 300 km au nord de Tokyo. Malgré ses excuses, il a été renvoyé de l’Institut paléolithique de Tohoku, un organisme privé dont il était le directeur adjoint.
Sa découverte avait fait l’objet d’une large couverture médiatique au Japon, un pays très attentif à son patrimoine historique. L’archéologie y jouit pour cela d’un soutien populaire et politique plus enviable que dans de nombreux autres pays. L’affaire Fujimura risque de porter un coup dur à la profession car “les recherches japonaises sur la période paléolithique vont peut-être devoir être revues de fond en comble”, a estimé le Mainichi. Shinichi Fujimura, surnommé “les mains de Dieu” pour son habileté à découvrir des sites anciens, est en effet lié à quelque 160 chantiers de fouilles depuis plus de vingt ans. Le ministre de l’Éducation a annoncé une enquête sur la crédibilité de ses découvertes. “Si nous arrivons à clarifier les faits, la réputation de M. Fujimura ne sera peut-être pas totalement ternie”, a-t-il déclaré. En effet, l’archéologue a affirmé qu’il n’avait enterré des “faux” que sur ses deux derniers chantiers, en mettant en avant “l’obligation de résultat” qui pesait de plus en plus fortement sur lui. Pour Ken Amakasu, président de l’Association japonaise d’archéologie, cette “désastreuse affaire” trouve son origine dans “la course aux objets les plus vieux du Japon”, qui “oblige les chercheurs à établir des records, comme aux Jeux olympiques”. “Or ces découvertes ne sont qu’une partie de la tâche des archéologues, dont le travail consiste aussi à donner une image aussi réaliste que possible du passé.” Certes, mais la falsification d’objets archéologiques est aussi ancienne que l’archéologie elle-même. Mais, ce “scandale” sème le doute sur les acquis récents de la recherche japonaise sur le Paléolithique. Étudiée depuis les années vingt, cette période fait depuis une dizaine d’années l’objet d’importantes réévaluations, notamment chronologiques. Les dates de la première occupation humaine de l’archipel ont en effet été considérablement remontées, et nul doute qu’elles seront encore modifiées par de futures découvertes. D’authentiques découvertes.
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Les aveux de l’archéologue
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°115 du 17 novembre 2000, avec le titre suivant : Les aveux de l’archéologue