Le Cavaliere était un acheteur compulsif qui a accumulé près de 25 000 œuvres d’art de qualité médiocre. Elles sont entreposées dans un hangar dans l’attente d’être dispersées ou détruites.
Italie. Les héritiers des grandes familles se battent souvent pour accaparer la collection d’art de leurs aïeux. Les enfants de Silvio Berlusconi (1936-2023) sont tous unis pour se débarrasser de celle de leur père. En art comme pour le reste, le Cavaliere répondait surtout à son instinct et ce collectionneur compulsif a amassé près de 25 000 toiles et sculptures souvent d’un goût douteux.
« Il n’y a en a que 6 ou 7 intéressantes, estime l’un de ses amis Vittorio Sgarbi, le sous-secrétaire d’État à la Culture et grand défenseur du patrimoine transalpin. À mon avis, il aurait été préférable de posséder 2 400 tableaux de haute qualité que 24 000 comme ceux-ci… » Car Silvio Berlusconi a privilégié surtout la quantité et, à la fin de sa vie, achetait frénétiquement la nuit dans une émission de téléachat. « Il a acquis 2 500 tableaux, confiait récemment son présentateur, représentant de nombreux sujets religieux, ainsi que des nus féminins et plus d’un millier d’œuvres d’art russe, le tout en l’espace de deux ans et demi. D’après mes estimations, il a dépensé environ 3 millions d’euros par l’intermédiaire de mes services. »
Tout au long de sa vie l’une des plus grosses fortunes de la Péninsule a consacré environ 20 millions d’euros à une passion qui avait tous les aspects d’une pulsion. De quoi embellir – ou enlaidir – la somptueuse villa San Martino acquise au début des années 1970. Un domaine du XVIIIe siècle situé en Lombardie dans lequel se trouvaient des œuvres du Titien et du Parmigianino, les seules véritablement dignes d’intérêt. Parmi elles, le Portrait du cardinal Hippolyte de Médicis de Titien (1533), estimé entre 4 et 5 millions d’euros, et qui était autrefois exposé au Cleveland Museum of Art. L’argent n’était pas un obstacle à la frénésie d’achats artistiques de Silvio Berlusconi qui se faisait conseiller aussi bien par Cesare Lampronti, un éminent marchand d’art installé à Londres, que par d’obscurs négociants napolitains. Il offrait volontiers ses œuvres à ses invités, à ses amis Vladimir Poutine et Viktor Orban, à des collaborateurs ou des adversaires politiques.
Il rêvait de conserver cette collection hétéroclite de vues des villes de son cœur (Paris, Naples ou Venise), de bustes en marbre le représentant ou de soubrettes dénudées dans un musée qu’il aurait fait construire près de sa villa. Elle a fini dans un hangar de 4 500 m2 avec de nombreux tableaux déjà détruits car vermoulus. Les frais de désinfection seraient dans la plupart des cas bien supérieurs à l’œuvre qui devrait être protégée. La location et la gestion de l’entrepôt représentent 800 000 euros par an. Une somme bien trop élevée pour les héritiers pour qui la valeur affective de la collection est aussi peu importante que sa valeur artistique. Sa liquidation, ou sa destruction, n’est plus qu’une question de temps. Certains auraient déjà vu de la fumée s’échapper du hangar qui l’abrite. « Je ne sais pas si la destruction a déjà commencé, commente Vittorio Sgarbi, mais je sais que si c’était le cas, cela ne serait pas un délit. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’encombrante collection d’art de Silvio Berlusconi
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°620 du 3 novembre 2023, avec le titre suivant : L’encombrante collection d’art de Silvio Berlusconi