Rome est maintenant très embarrassée par la personnalité du mécène des colonnes de la basilique Ulpia.
Rome. « Pecunia non olet. » Si l’argent n’a pas d’odeur selon l’empereur romain Vespasien, son propriétaire a une nationalité. Qui peut se révéler embarrassante. C’est le cas de celle du principal mécène à l’origine de ce que la presse transalpine a baptisé « l’anastylose de la discorde ». Ce terme archéologique désigne la technique de reconstruction d’un monument en ruine selon laquelle des matériaux modernes sont mélangés à des fragments trouvés sur place. De couleur et de qualité différentes, on peut distinguer à l’œil nu l’ancien du moderne.
À la toute fin de l’année 2023, des fragments de colonnes de la basilique Ulpia située à l’entrée des Forums à Rome ont ainsi été redressés sur leurs bases d’origine avec l’ajout d’éléments contemporains. Ils se découpent désormais sur l’horizon à 23 mètres de hauteur. Une anastylose dont l’intérêt scientifique et le goût esthétique ont été vivement critiqués.
Ce n’est pas la principale raison qui explique l’inauguration en toute discrétion du monument. Car son érection a été rendue possible grâce à la générosité de l’oligarque ouzbek Alicher Ousmanov. Ce magnat des métaux et des télécoms a déboursé 1,5 million d’euros. Peu de chose pour un homme dont la fortune est estimée à 13,5 milliards d’euros selon le magazine économique américain Forbes. Elle frôlait les 19 milliards d’euros avant le début de la guerre en Ukraine et les sanctions qu’il a reçues. Alicher Ousmanov est en effet un ami du président Vladimir Poutine qui lui a octroyé la citoyenneté russe. Les autorités allemandes lui ont en revanche saisi 30 tableaux, d’une valeur de près de 5 millions d’euros, et son yacht de 600 millions de dollars long de 156 mètres qui mouillait dans le port de Hambourg.
Alicher Ousmanov ne cache pas sa passion pour l’art. En 2015, au cours d’un dîner avec le maire de Rome de l’époque Ignazio Marino, il avait sorti son portefeuille pour financer le chantier de la basilique Ulpia construite au premier siècle sous le règne de Trajan. En 2017, il versait 300 000 euros pour restaurer les fresques de la salle des Horaces et des Curiaces (le Cavalier d’Arpin) des Musées du Capitole à Rome. La Ville éternelle l’a également remercié pour les 200 000 euros qui ont permis de nettoyer les statues des Dioscures devant le palais du Quirinal. C’était avant la guerre en Ukraine. Alicher Ousmanov n’est, depuis, plus en odeur de sainteté malgré sa fortune.
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L’embarras de Rome sur le profil du mécène d’un chantier sur le forum romain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°625 du 19 janvier 2024, avec le titre suivant : Un oligarque russe finance un chantier sur le forum romain