Le cinéphile aime ce qui lui échappe ; le « DVD-phile », ce qu’il possède. Tenir dans ses paumes l’intégrale de Jean Vigo, ce n’est pas rien. Ouvrant l’objet, on y plonge le nez comme on le ferait dans la rainure d’un livre. Et l’œuvre respire la nouveauté. Tuberculeux, mort en 1934 de septicémie, à 29 ans, Vigo a mis dans L’Atalante bien plus de souffle qu’aucun bien-portant, filtré de la vie ce qui lui semblait digne. Comme les maîtres du vitrail, « Il a fait un bleu qu’on ne sait plus refaire ». La navigation de cette belle édition conduit, parmi les nombreux bonus, à ce propos d’Henri Langlois. Réécouter le pionnier de la préservation du patrimoine cinématographique, sur un support qui est le marbre même, non vraiment, ce n’est pas rien. Sur son lit de mort, Vigo fut trahi, et le montage effectué dans son dos, une injure. En 1964, ses proches ont tout raconté à Jacques Rozier (voir disque 1 du DVD). Ses proches ? Un gang. Les hommes de main du poète, tous à son image, furieux et gentils, qui un an après Zéro de conduite interdit par la censure, devant représenter leur copain malade auprès des directeurs de salles, songeaient : « On va se faire casser la gueule ». Maintenant, l’achat de ce DVD est affaire de morale personnelle. Gaumont a réparé son crime de 34, les restaurateurs ont donné le meilleur de leur art, à chacun de déterminer s’il s’accorde le droit à la jouissance absolue de l’esprit et du cœur, ou s’il préfère attendre.
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Le souffle de Jean Vigo
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°534 du 1 mars 2002, avec le titre suivant : Le souffle de Jean Vigo