La Chambre d’ambre du Palais de Tsarskoïe Selo, près de Saint-Pétersbourg, emportée par les soldats de la Wehrmacht en 1941, était considérée comme perdue. La découverte, en mai dernier, d’une mosaïque en pierres dures chez un notaire brêmois avait fait renaître l’espoir (voir JdA n° 39, 30 mai 1997), qui a été confirmé par une expertise conduite à la demande de l’hebdomadaire Der Spiegel. Néanmoins, la probabilité de retrouver l’intégralité de ce décor reste mince.
La découverte d’une mosaïque en pierres dures de 55 x 70 cm, le 13 mai, chez un notaire de Brême, avait suscité beaucoup d’espoirs en Russie. L’expertise menée à la demande de l’hebdomadaire Der Spiegel a confirmé sa provenance : l’œuvre faisait bien partie de la célèbre Chambre d’ambre du Palais de Tsarskoïe Selo, démontée et emportée par les soldats allemands en 1941 et dont la trace n’avait jamais été retrouvée. Trois experts de renom connaissant les techniques de la mosaïque florentine, puis un géologue et un minéralogiste, sont parvenus aux mêmes conclusions. Toutes les analyses sans exception attestent que la mosaïque date d’environ 1700. Selon le minéralogiste Hans-Joachim Bautsch, cité par le Spiegel, “on peut dire que le matériau et la colophane (résine) mise en œuvre comme ciment certifient l’originalité d’une mosaïque florentine ancienne”. Cette authentification ouvre la voie à une restitution de la mosaïque à la Russie, et plusieurs responsables russes ont d’ores et déjà réclamé son retour.
Le président Roman Herzog prêt à la rendre
Le président allemand Roman Herzog avait en effet déclaré le 1er septembre, à Moscou, que son pays la rendrait si son authenticité était établie (voir le JdA n° 43, 12 septembre). L’Allemagne revendique de son côté un butin de guerre considérable, dont le “trésor de Priam” mis au jour par Schliemann en 1873 sur le site présumé de la ville de Troie. Des négociations au plus haut niveau seront sans doute nécessaires pour mettre d’accord les deux pays, leurs relations s’étant notoirement envenimées depuis que le Parlement de Russie a déclaré propriété russe les œuvres confisquées aux Allemands pendant la guerre. Sur le plan judiciaire, le parquet de Brême devrait prononcer prochainement le renvoi devant un tribunal de trois suspects (deux hommes et une femme) qui cherchaient à vendre la mosaïque sur le marché noir de l’art pour 2,5 millions de dollars (15 millions de francs).
Aller-retour Allemagne-Russie
Par une ironie de l’Histoire, c’est en Allemagne que la Chambre d’ambre avait vu le jour au début du XVIIIe siècle. À la demande de Frédéric Ier, roi de Prusse, l’architecte Andreas Schlüter en avait fourni le dessin pour le palais de Potsdam. Elle était composée de panneaux de mosaïque de pierres dures – une spécialité florentine – insérés dans des lambris d’ambre. Frédéric-Guillaume Ier ne partageait guère la sensibilité esthétique de son père et avait fait cadeau de cet ensemble au tsar Pierre Ier de Russie, qui l’avait installé au Palais d’hiver de Saint-Pétersbourg.
La résidence impériale de Tsarskoïe Selo, célèbre pour son interminable façade, a été reconstruite entre 1752 et 1756 par l’architecte italien Bartolomeo Francesco Rastrelli pour l’impératrice Élisabeth. C’est dans ces années 1750 que la Chambre d’ambre est déplacée de Saint-Pétersbourg à Tsarskoïe Selo, à vingt-quatre kilomètres au sud. Trop petite, elle fut alors agrandie pour s’adapter à une pièce cinq fois plus grande. Ni les transformations postérieures du palais, ni la Révolution de 1917 ne lui avaient porté atteinte avant que les troupes allemandes occupent Tsarskoïe Selo en 1941 et démontent le précieux décor. Remonté au château de Königsberg en Prusse-Orientale, il avait, pensait-on, été détruit dans l’incendie de 1945. Après la Seconde Guerre Mondiale, le Palais de Tsarskoïe Selo, rebaptisé Pouchkine par les Soviétiques, a été patiemment restauré et son décor reconstitué avec plus ou moins de bonheur.
Récemment, deux tableaux représentant des épisodes de la vie d’Alexandre et provenant de la résidence impériale ont été identifiés dans les réserves du Musée de l’Ermitage. Attribués au peintre romain Giuseppe Cadès, ils témoignent des travaux entrepris par Catherine la Grande – qui appréciait beaucoup Tsarskoïe Selo – et confiés à l’architecte italien Quarenghi. Ces peintures ne doivent leur salut qu’à un déménagement précoce, au XIXe siècle, pour redécorer le Palais d’hiver après l’incendie de 1837. Il y a donc peu d’espoir de retrouver l’intégralité du prestigieux décor déplacé en 1941, qui faisait la fierté de la Russie.
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Le puzzle de la Chambre d’ambre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°52 du 16 janvier 1998, avec le titre suivant : Le puzzle de la Chambre d’ambre