L’union européenne versera six milliards d’euros pour la culture via les fonds structurels sur la période 2007-2013. Ils sont assortis du cofinancement obligatoire des États.
Paradoxalement, ce n’est pas le programme « Culture » de l’Union européenne qui amène le principal apport financier à ce secteur. Ce sont les fonds structurels, à travers la politique régionale, qui apportent un soutien non négligeable aux vingt-sept pays de l’Union européenne. La période en cours s’achève cette année, il était prévu que l’Union européenne verse 6 milliards d’euros à des projets culturels, soit 1,7 % du budget total des fonds structurels, qui eux-mêmes représentent 34 % du budget européen, soit le deuxième poste budgétaire après le fonds agricole.
La Commission européenne estime cependant que les montants affectés à la culture pourraient être deux fois plus élevés. Certains projets sont en effet financés sous d’autres intitulés, tels que la recherche et l’innovation, la société de l’information, par exemple via des projets de numérisation du patrimoine, le tourisme ou bien encore l’aide à l’emploi, mais touchent directement le secteur de la culture. Cet apport supplémentaire n’est pas quantifiable, faute de données.
Parmi les projets qui portent directement l’intitulé culture, la Commission précise que « 2,9 milliards sont affectés à l’objectif protection et préservation du patrimoine culturel, 2,2 milliards au développement des infrastructures culturelles et 797 millions au soutien des services culturels ». Ces fonds ont un effet démultiplicateur, puisqu’ils sont généralement assortis d’un cofinancement des États membres, qui peut aller jusqu’au double du montant versé par l’Union européenne.
Des fonds structurels sous-utilisés
Les fonds structurels sont composés de trois instruments principaux : le Fonds européen de développement régional (Feder) qui vise à atténuer les déséquilibres régionaux, le Fonds social européen (FSE) dont l’objectif est de soutenir la création d’emploi, et enfin le Fonds de cohésion qui s’adresse uniquement aux régions dont le PIB est inférieur de 90 % à la moyenne de l’Union européenne (la France n’est pas éligible pour ce fonds). L’Union européenne définit un ensemble de règles et d’objectifs, mais c’est à chaque État membre de définir ses priorités. La gestion des fonds est décentralisée dans chaque pays. En France, le Secrétariat général aux régions détermine le programme général, puis les fonds sont gérés de manière déconcentrée au niveau des préfectures. Un avant-projet de loi qui devrait être déposé au Conseil des ministres au mois de mars prévoit de transférer la gestion de ces fonds au niveau des régions. Les fonds alloués dans le cadre de ces programmes sont assortis d’un cofinancement obligatoire, par des fonds publics à l’échelon local, régional ou national, auxquels s’ajoutent parfois des fonds privés. Pour chacun de ces fonds, le montant maximum de cofinancement de l’Union européenne s’élève à 85 %. Les collectivités locales et territoriales peinent parfois à trouver le cofinancement nécessaire, ce qui explique que chaque année la totalité des fonds ne soient pas utilisés. À titre d’exemple, 82 milliards d’euros, tous secteurs confondus pour les trois fonds, n’avaient pas été utilisés en 2011 et ont été réaffectés en 2012 pour favoriser la croissance et l’emploi.
La Pologne et les pays du sud, principaux bénéficaires
Sur la période 2007-2013, la France n’avait prévu d’affecter que 1,7 % des fonds structurels qu’elle reçoit à la culture, en deçà de la moyenne communautaire qui s’élève à 2,2 %. Christian Lequesne, spécialiste de l’Europe et directeur du Centre de recherche et d’études internationales de Sciences Po, affirme que, du fait que la France possède un budget centralisé au niveau national pour la culture, elle a moins besoin de recourir aux fonds structurels dans ce secteur.
Toutefois, sur la même période, l’Allemagne, qui est un état fédéral où la politique culturelle relève des Länder, n’avait prévu de consacrer également qu’une faible proportion : 1,8 % de ses fonds structurels à des projets culturels. Mais ceci recouvre des réalités très différentes selon les 16 Länder. Les Länder de l’ex-Allemagne de l’Est, qui tentent toujours de combler le retard économique par rapport à l’Ouest, consacrent seulement une faible partie des fonds structurels à la culture. En ce qui concerne les Länder de l’Ouest, qui possèdent des moyens de cofinancement plus importants, certains d’entre eux y consacrent une partie bien supérieure à la moyenne communautaire, notamment la Bavière avec 4,9 %. La Sarre (5,3 %) et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (5 %) utilisent notamment les fonds communautaires pour réhabiliter des anciennes régions industrielles et convertir d’anciens sites industriels en espaces culturels. À titre de comparaison, la Belgique et le Danemark prévoient d’affecter respectivement 3,1 % et 4,8 % des fonds structurels à la culture. La palme revient à Chypre et Malte qui avaient prévu d’en utiliser respectivement 6,5 et 9 %.
Mais c’est principalement dans certains pays du sud de l’Europe, l’Espagne et le Portugal dans les années 1980, et dans les pays de l’Est depuis 2004 que ces fonds structurels prennent toute leur importance. Christian Lequesne affirme que « dans toute l’Europe qui a connu le communisme, il y avait énormément de patrimoine culturel négligé à l’époque communiste et faisant complètement partie de l’histoire de L’Europe ». Selon lui, l’Union européenne a joué un rôle important de rénovation du patrimoine dans ces pays qui avaient été marqués par des dictatures. Même si l’Europe doit être plus « qu’un beau musée », un des traits importants de l’identité européenne, et surtout vu de l’extérieur, c’est son patrimoine. La Pologne est le principal récipiendaire de la politique régionale européenne, et par voie de conséquence, le pays qui a le plus bénéficié de fonds européens pour la culture également : un peu plus de 1 milliard d’euros de 2007 à 2013, soit un sixième du total des fonds disponibles. L’Italie arrive immédiatement derrière avec 775 millions d’euros versés au titre de projets culturels.
L’exemple de Temple Bar à Dublin
Après la prise de conscience de l’importance des industries culturelles et créatives pour le dynamisme de l’économie, la Commission européenne a initié un groupe de travail pour inciter les décideurs locaux, régionaux et nationaux à utiliser davantage les fonds structurels à des fins culturelles. Dans ce rapport, elle met en avant le dynamisme économique que peut apporter la culture à une région.
Parmi les projets exemplaires financés par la politique de cohésion européenne figure la réhabilitation du quartier culturel de Dublin, Temple Bar. 54 millions d’euros de fonds publics (via le Feder et le ministère irlandais des Finances), 63 millions d’euros supplémentaires ont été accordés sous forme de prêt à la Banque européenne d’investissement et à différentes institutions financières. À cela se sont ajoutés 127 millions d’euros de fonds privés. Les retombées du projet sont positives à tous les niveaux selon la Commission : « le chiffre d’affaires du quartier se situe aux alentours de 700 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter 3 millions d’euros générés par la TVA des entreprises situées à Temple Bar ». Le nombre de visiteurs a explosé, puisqu’il a augmenté de 752 %, dont 81 % d’entre eux sont là pour visiter une institution culturelle. Le nombre de touristes étrangers est également passé de 14 % à 50 % du nombre total de visiteurs.
Enfin, l’emploi dans le secteur culturel est passé de 29 en 1993 à plus de 500 en 2001. Les fonds européens permettent également de soutenir la culture dans les périodes de crise. Le ministère espagnol de la Culture a ainsi créé un « Plan d’action visant à promouvoir les industries culturelles et créatives ». En 2011, plus de 35 millions d’euros ont été affectés à ce plan qui visait aussi bien à soutenir les PME dans le secteur de la création (design, architecture), que des secteurs comme les arts visuels et le patrimoine, notamment grâce à des financements attribués à des organismes à but non lucratif.
Deux autres programmes de coopération transfrontalière, Interreg et Urbact, sont également habilités à financer des projets culturels.
Enfin, le Fonds européen agricole pour le développement rural, et le plus récent Fonds européen pour les affaires maritimes peuvent également être utilisés pour réhabiliter le patrimoine ou bien mettre en valeur les régions rurales et maritimes. Quel que soit le fonds concerné, les demandes de projets pour la période 2007-2013 peuvent être déposées jusqu’à la fin de l’année. Les factures des projets approuvés devront être soumises d’ici la fin 2015.
À l’initiative de la Commission, des experts des États membres de l’Union européenne ont dégagé des pistes de réflexion afin de mieux utiliser les fonds structurels. Un plan en trois étapes a été ainsi élaboré, accompagné d’une boîte à outils avec des exemples concrets de bonnes pratiques, destinés aux décideurs du secteur de la culture. Tout d’abord, les décideurs doivent créer un environnement propice au développement des industries culturelles et créatives à l’aide d’une cartographie précise du secteur. Un des points cruciaux consiste à créer une alliance stratégique entre tous les acteurs publics et privés concernés, et notamment des ministères de la Culture et de l’Industrie. Chaque région devrait par ailleurs adopter une spécialisation stratégique intelligente, basée sur ses points forts, le cas échéant la culture, le patrimoine, et/ou le tourisme. La deuxième étape vise à renforcer la compétitivité du secteur, en favorisant l’accès au financement, l’incubation des entreprises créatives, et enfin en améliorant les infrastructures culturelles. La dernière étape préconise d’accentuer « les effets de débordement » en renforçant les liens de la culture avec le reste de la société et de l’économie ; par exemple en développant le tourisme ou l’image de marque d’une région, ou bien en renforçant les liens entre les écoles d’art et l’industrie pour stimuler la créativité et l’innovation.
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Le poids des fonds structurels
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°388 du 29 mars 2013, avec le titre suivant : Le poids des fonds structurels