La XVe Foire internationale du livre ancien (FILA) aura lieu du 22 au 25 mai dans les salles de la Maison de la Mutualité, à Paris. Les libraires y proposent un large panorama de textes ayant marqué l’humanité. Parmi ceux-ci, des œuvres de saint Augustin, des recueils décrivant les diables et sorcières, ou des textes poétiques du XXe siècle, illustrés par des grands artistes et reliés par des artisans au goût exquis. L’offre de la FILA tentera les bibliophiles et les “investisseurs”? éclairés.
Après les foires de livres anciens de Milan, New York et Bruxelles qui se sont tenues en mars et avril, la FILA (Foire internationale du livre ancien et moderne) ouvre ses portes le 22 mai dans les salles souterraines de la Maison de la Mutualité, àParis. Elle est organisée par le Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM), présidé par Alain Marchiset. Pour sa quinzième édition, la foire parisienne tente de se mesurer à ses concurrentes internationales, qui ont plutôt souffert du contexte politico-économique. Avec la fin des combats et l’aide du printemps, les cent libraires internationaux (soixante-treize Français, deux Allemands, quatre Anglais, un Argentin, cinq Belges, six Hollandais, deux Italiens, un Suédois, trois Suisses et trois participants venant des États-Unis), espèrent que les affaires reprendront. Bon nombre entre eux ont fait des efforts en amont, en préparant de beaux catalogues ou des listes de ventes alléchantes. Laurent Coulet (Paris) propose, entre autres, un incunable traitant de sorcellerie, la première publication imprimée sur ce thème. Le texte en latin d’Alphonsus de Spina, Fortalitium fidei (“Défense de la foi”), a été publié en 1485 à Nuremberg chez Anton Koberger. L’auteur, un moine franciscain espagnol, Alphonso de Espina, dont les prêches contre les “hérétiques et les juifs” étaient connus pour leur violence, décrit dans la cinquième partie de son livre les pratiques des diables, lutins et sorcières, qui donnent une vision – macabre – des fantasmes entretenus par l’Inquisition. Le volume, en format in-folio, est proposé 24 000 euros. Le visiteur tombera sur un autre aspect de la médisance postmédiévale chez Benoît Forgeot (Paris), avec le Recueil de neuf occasionnels et pièces de circonstance, publié entre 1605 et 1624 à Paris, Melun et Troyes. Les neuf plaquettes, reliées en un petit volume, traitent du diable, des revenants, de monstres marins, des tortures subies par des moines à l’occasion des croisades, voire du “monstre prodigieux”, illustré par un bois gravé montrant un homme nu avec trois cornes sur la tête et des oreilles pointues. On peut considérer ce type de publication comme un genre précurseur de la presse à sensation. Son prix est de 8 000 euros.
Bernard et Stéphane Clavreuil, de la Librairie Thomas-Scheler (Paris), ont sorti récemment un catalogue intitulé Impressions d’Italie, avec des livres publiés dans la Péninsule de 1468 à 1893. La brochure commence avec un des premiers livres imprimés à Rome, écrit par saint Augustin entre 413 et 426, De Civitate Dei (“La Cité de Dieu”). Tiré en 276 exemplaires en 1468 par Conrad Sweybeym et Arnold Pannartz, cet incunable est orné d’une large bordure à rinceau de couleurs. Son prix n’est pas indiqué au catalogue. Un autre texte, attribué à saint Augustin, Cy commence le livre Sainct Augustin de seul parler de lame a dieu, a probablement été publié à Paris entre 1495 et 1500. Il figure dans le catalogue qu’ont édité conjointement Henri Bonnefoi et Fabrice Teissèdre. Les soliloques de saint Augustin sont ornés d’une figure gravée sur bois, que ne possède pas l’exemplaire de la Bibliothèque nationale de France (qui comporte quelques autres différences par rapport à celui de Bonnefoi et Teissèdre). Pour cet unique exemplaire connu de cette édition incunable, un amateur devra investir quelque 6 000 euros. Dans un genre plus conventionnel, on trouve les 72 belles images coloriées, et si scientifiquement exactes, de Maria Sybille Merian, Dissertation sur la génération et les transformations des insectes du Surinam, dans le dernier catalogue de Jean-Claude Vrain (Paris), le “sauveur” des ventes André Breton. Publié à La Haye chez Pierre Gosse en 1726, il s’agit de la cinquième édition de ce grand ouvrage, initialement publié en texte bilingue français et latin. Le libraire en demande 80 000 euros.
Le Bail-Weissert proposent, pour leur part, un exceptionnel ensemble de 47 grands dessins à l’aquarelle de fleurs, aux légendes manuscrites, qui date de la fin du XVIIIe siècle et pour lesquels ils attendent 33 500 euros.
Rodolphe Chamonal (Paris) a récemment constitué un catalogue sur le thème du “Luxe”, à savoir les bijoux, la gastronomie et aussi la décoration et le mobilier. On y découvre un ensemble de cinq albums d’aquarelles, dessins, lithographies et photographies sur le mobilier du Second Empire, provenant des archives de la maison E. Gilbert à Paris, vers 1865-1870. Pour ce témoignage de l’artisanat, il faut compter 65 000 euros. Dominique Courvoisier, de la librairie Giraud-Badin (Paris), a souhaité respecter le thème de cette foire, “Le patrimoine”. Il présentera un livre d’Huysmans, La Bièvre. Les Gobelins. Saint-Séverin, publié en 1901, avec des illustrations d’Auguste Lepère et enrichi de la suite de douze eaux-fortes de ce dernier. Il s’agit de l’exemplaire Beraldi, dont le prix annoncé s’élève à 6 000 euros.
Un livre-objet, déjà vu à la vente Ragazzoni chez Tajan les 13 et 14 mai, Les Jeux de la poupée, avec des textes de Paul Éluard et des illustrations photographiques d’Hans Bellmer, sera par ailleurs l’une des attractions de Jean-Claude Vrain. Son spécimen, qui est le numéro 13 (sur 15) des exemplaires de tête, avec un étui-boîte signé de D. H. Mercher, est proposé au prix de 115 000 euros. Philippe Luiggi, de la librairie Benjamins & Luiggi à Amsterdam, montrera pour sa part quelques livres du mouvement Cobra, dont Promenade au pays des pommes du peintre Corneille, avec 16 dessins de ce dernier, un ouvrage publié à Amsterdam en 1949 et destiné aux enfants. L’exemplaire dans un étui en maroquin vaut 6 000 euros.
Foire internationale du livre ancien, du 22 au 25 mai, Maison de la Mutualité, 24 rue Saint-Victor, 75005 Paris, tél. 01 43 29 46 38, le 22 mai 17h-21h, les 23, 24, 25 mai 11h-19h, www.slam-livre.fr. Catalogue offert avec le ticket d’entrée.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : Le Paradis des bibliophiles