Depuis 1953, le Musée arménien de France partageait les espaces de l’hôtel d’Ennery à Paris avec le Musée d’Ennery, qui dépend du Musée Guimet. D’importants travaux de rénovation en 2011 ont entraîné le déménagement des différentes collections. Mais depuis la fin du chantier, le Musée arménien n’a plus accès à ses anciennes salles, désormais occupées par les collections du musée d’art asiatique.
PARIS - « Je veux élever le débat au-dessus de la question de quelques mètres carrés, soupire Frédéric Fringhian, directeur du Musée arménien de France (1). Je cherche simplement à ce que l’État prenne conscience qu’il s’apprête à commémorer le génocide arménien, et que l’hôtel d’Ennery est le seul radeau qu’il nous reste. » Aujourd’hui, le directeur est à la tête d’un musée auquel il n’a plus accès et d’une collection mise en caisse en 2011. Selon Frédéric Fringhian, la situation est issue d’une mésentente avec la direction du Musée Guimet (2) au sujet de la cohabitation dans l’hôtel d’Ennery.
Depuis 1953, le Musée arménien se déploie au rez-de-chaussée de l’hôtel d’Ennery, situé avenue Foch dans le 16e arrondissement, et propriété du ministère de la Culture depuis le legs de l’édifice et de ses collections par Clémence d’Ennery en 1898. Dès 1908, l’hôtel abrite le Musée d’Ennery, qui dépend du Musée des national des arts asiatiques-Musée Guimet. En 1953, Nourhan Fringhian, père de l’actuel directeur, reçoit l’autorisation ministérielle d’installer ses collections de l’Arménie en diaspora dans l’hôtel particulier, divisant l’édifice entre le Musée d’Ennery, déployé dans les étages supérieurs, et le Musée arménien, dans trois salles du rez-de-chaussée. En 1996, au vu de l’état du bâtiment, l’édifice est fermé pour raisons de sécurité. Faute de financement, le lieu végète, tandis que le Musée arménien continue de prêter ses œuvres hors les murs et d’attendre une réouverture. Arrivé à la tête du musée en 1994 à la mort de son père, Frédéric Fringhian fait des pieds et des mains pour participer aux célébrations de l’Année de l’Arménie en France en 2007 : grâce à l’intervention du président Jacques Chirac, le musée rouvre temporairement le temps d’une exposition qui accueille 6 000 visiteurs durant deux mois.
Des prêts au Louvre et au Musée de la marine dévoilent la préciosité de certaines des œuvres maîtresses de cette collection, qui compte 1 180 objets à mi-chemin entre l’art populaire et l’art sacré : manuscrits anciens, pièces d’orfèvrerie religieuse, peinture moderne, objets vernaculaires… « Continuer la chaîne des objets issus de la diaspora, regrouper des éléments de la culture arménienne : c’est une culture mais également une histoire millénaire », insiste le directeur.
Salles occupées, serrures changées En 2011, le ministère de la Culture et le Musée Guimet engagent une rénovation des espaces du Musée d’Ennery dans le cadre du plan musées de Frédéric Mitterrand. Durant les travaux, le Musée arménien est prié de déménager ses collections, tout en recevant l’assurance, par Philippe Bélaval, alors directeur général des Patrimoines au ministère de la Culture, de pouvoir regagner les lieux à la fin du chantier. Surprise en mars 2012 : le directeur découvre une partie des réserves d’Ennery dans ses salles, il lui est alors impossible de réinstaller ses collections. Quelques semaines plus tard, il récupère une des salles pour y installer une partie des réserves, mais le musée est toujours privé de son espace d’exposition. Le directeur du Musée Guimet, Olivier de Bernon, et son successeur, Sophie Makariou, ne répondent pas à ses demandes répétées au cours de l’année 2013, le musée invoquant, dans les courriers adressés à Frédéric Fringhian, des problèmes de sécurité que celui-ci réfute.
En mars dernier, Guimet propose de conserver les collections du Musée arménien dans ses propres réserves. « Il s’agit pour nous de réintégrer les lieux comme le stipule l’autorisation ministérielle de 1953 qui n’a pas été remise en cause » par le ministère de la Culture, réplique M. Fringhian qui refuse l’option envisagée par le Musée Guimet. En avril, la situation s’envenime : les serrures de l’hôtel ont été changées, le directeur n’a désormais plus accès à une partie de ses collections entreposées dans le bâtiment. Frédéric Fringhian a engagé une procédure de référé pour retrouver l’usage des locaux. La décision est attendue pour le 14 mai.
Il y a urgence : l’année prochaine, le seul musée arménien de France pourrait ne pas participer aux commémorations du centenaire du génocide.
(1) Une partie des collections est visible sur le site Internet du musée : www.le-maf.com
(2) Contacté, le Musée Guimet n’avait pas donné suite à nos demandes au moment de la mise sous presse.
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Le Musée arménien de France chassé de l’hôtel d’Ennery
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Abonnez-vous dès 1 €La façade du musée d'Ennery, Paris. © Photo : M. Loni.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°413 du 9 mai 2014, avec le titre suivant : Le Musée arménien de France chassé de l’hôtel d’Ennery