Publié en 1952 dans la revue Art News, l’article intitulé « The American Action Painters » que signe le poète et critique d’art américain Harold Rosenberg (1906-1978) passe à juste titre pour le manifeste officieux de l’école dite de New York, animée par Jackson Pollock, Willem de Kooning et Franz Kline au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Du même coup, il date la création du concept d’action painting que Rosenberg utilise pour qualifier leur façon de peindre. Militant trotskiste désabusé, celui-ci finit par adhérer à l’idée que
l’individualisme fervent des peintres pour la peinture signifie que la finalité de cette dernière ne peut être autre que la recherche de leur moi authentique.
Fusionner l’art et la vie
« Pour chaque peintre américain, il arriva un moment, note Rosenberg, où la toile lui apparut comme une arène offerte à son action plutôt qu’un espace où reproduire, recréer, analyser ou exprimer un objet réel ou imaginaire. Ce qui devait passer sur la toile n’était pas une image, mais un fait, une action. »
Cette célébration de l’activité performante de l’artiste, sous-entendant rapidité d’exécution, exploit physique et mise en relief de la matière picturale, sanctionne, pour le critique, le fait que « la peinture en acte », l’Action Painting, met en jeu « le même contenu métaphysique que l’existence de l’artiste ».
En complète opposition au formalisme matérialiste défendu par le critique Clement Greenberg, l’Action Painting tend en fait à supprimer la distinction entre l’art et la vie. En cela, il procède d’une esthétique subjective et réunit des artistes aux sensibilités exacerbées. Son assimilation à l’expressionnisme abstrait tient au fait d’une communauté de convictions, d’engagements et de techniques partagés par certains artistes soucieux « d’inventer de nouvelles formes par des procédés plastiques », comme l’exprimait le peintre Robert Motherwell. Mais, par-delà toute considération communautaire et nationaliste, l’Action Painting a fini par désigner un type de protocole de travail affirmant la liberté du peintre et ralliant des artistes de cultures et d’horizons très divers.
Un courant international
L’exposition, organisée par la fondation Beyeler, vise donc à démontrer que l’Action Painting n’est pas seulement un phénomène américain, mais que c’est une manière de travailler qui a très vite essaimé à travers le monde. Du moins qui rejoint l’attitude de nombreux artistes dans une époque qui a multiplié les modalités d’exercice de la peinture en s’inventant nombre de protocoles similaires.
De Pollock à Twombly, en passant par Wols, Matta, Francis, Mitchell, Shiraga et tant d’autres, l’exposition bâloise « ratisse » large. Non point caprice de commissariat, mais justesse de vue tant l’Action Painting a modifié historiquement le rapport du peintre à sa toile. Qu’il y aille d’une peinture résolument abstraite ou d’une iconographie à référence figurative originelle. Dans tous les cas, une exposition qui offre à voir en ce domaine un panorama riche et varié de la production picturale des années 1940-1960, en phase avec une certaine philosophie existentialiste.
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Le « geste » en majesté
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : Le « geste » en majesté