FLORENCE / ITALIE
Un éditeur doit payer des dommages et intérêts pour avoir utilisé et modifié sans autorisation la photo du « David » de Michel-Ange à des fins publicitaires.
Florence (Italie). Une bonne connaissance de l’histoire de l’art deviendra indispensable dans la formation des magistrats italiens. Les icônes du patrimoine artistique transalpin n’ornent plus, depuis longtemps, seulement les cimaises des musées. Elles s’étalent sur les papiers glacés des revues, se partagent sur les réseaux sociaux et animent les prétoires. Les Offices de Florence ont ainsi poursuivi la maison Jean Paul Gaultier pour « usage non autorisé de la “Vénus de Botticelli” » à des fins commerciales. La société Ravensburger, qui avait édité un puzzle avec L’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, s’est vue condamnée par un tribunal pour ne pas avoir payé les droits de reproduction à la Galleria dell’Accademia de Venise, où est conservé le chef-d’œuvre. C’est une autre Galleria dell’Accademia, celle de Florence cette fois, qui vient d’obtenir gain de cause devant la justice. L’image du David de Michel-Ange ne peut être utilisée ou modifiée sans son autorisation et surtout sans s’acquitter des droits de reproduction.
En 2020, une revue de mode masculine appartenant au groupe américain d’édition Condé Nast avait affiché en couverture une photographie de la célèbre statue superposée à celle d’un mannequin. Sans même prendre la peine d’en informer le musée, ni de lui verser des droits de reproduction. Un usage qui enfreint « l’inaliénable droit à l’image des biens culturels » promu par le ministère italien de la Culture. Le tribunal de Florence a ainsi condamné l’éditeur à verser 50 000 euros à la Galleria dell’Accademia : 20 000 euros de droits de reproduction de l’image du David de Michel-Ange, mais aussi 30 000 euros de dommages et intérêts. La publication a « insidieusement et malicieusement comparé l’image du “David” de Michel-Ange à celle d’un modèle, avilissant, obscurcissant, mortifiant, humiliant ainsi la haute valeur symbolique et identitaire de l’œuvre d’art et l’asservissant à des fins publicitaires et de promotion éditoriale », explique la décision judiciaire reposant sur l’article 9 de la Constitution italienne qui protège « le patrimoine historique et artistique de la nation », mais surtout l’identité collective des citoyens qui s’y reconnaissent.
Le ministre de la Culture, Gennaro Sangiuliano, s’est immédiatement réjoui d’une décision qui fera peut-être jurisprudence en entérinant l’obligation de payer des droits pour l’utilisation d’images d’œuvres d’art à des fins commerciales. Le débat sur la valorisation et la préservation du patrimoine artistique italien est une nouvelle fois relancé : l’historien de l’art Salvatore Settis prône une liberté totale, comme celle pratiquée par le British Museum. Une position partagée par le sous-secrétaire d’État à la Culture, Vittorio Sgarbi, qui se félicite que Marcel Duchamp, lorsqu’il a affublé la Joconde de moustache, n’avait pas à se poser de telles questions. « Le gouvernement devrait s’attaquer lui-même en justice pour la campagne “Open to meraviglia” » ironise-t-il. La Vénus de Botticelli y avait été, comme le David de Michel-Ange, modifiée pour être transformée en influenceuse. Une campagne de publicité pour la promotion du tourisme critiquée pour sa trivialité et son coût.
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Le droit à l’image des œuvres d’art reconnu par la justice italienne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°612 du 26 mai 2023, avec le titre suivant : Le droit à l’image des œuvres d’art reconnu par la justice italienne