Une collection éclectique de peintures est en cours de constitution pour Compton Verney, un manoir du Warwickshire qu’a fait restaurer Peter Moores. Héritier d’une fortune bâtie sur les paris du football, il a déjà consacré 3 millions de livres (30 millions de francs) aux acquisitions de ce nouveau musée, qui ouvrira ses portes en avril 1998. Son approche toute personnelle du projet a déjà conduit deux de ses principaux conseillers à démissionner.
LONDRES (de notre correspondant) - "J’achète ce que j’aime. Le comité de sélection, c’est moi", déclare Peter Moores, qui reconnaît que ses acquisitions se font principalement dans ses domaines de prédilection : la peinture et la sculpture allemandes, autrichiennes et hollandaises de 1450 à 1600 ; la peinture napolitaine et le mobilier de 1600 à 1800 ; les portraits anglais de 1500 à 1800. Après avoir collectionné l’art populaire anglais et les bronzes archaïques chinois, il se tourne à présent vers l’art contemporain britannique.
Parmi les points forts de sa collection, figurent le Portrait d’un gentilhomme par Ambrosius Benson (début du XVIe siècle), acheté lors de la vente Rudolf Noureev, le Portrait d’Élisabeth Ire par Lord Brocket, et La Résurrection de Lazare de Giordano, acquis chez Christie’s en juillet pour près de 300 000 livres (3 millions de francs). Mais la collection comprend également des œuvres de Cranach, Solimena, Ruoppolo, Cavallino, Van Wittel, Larkin, Lely, Raeburn. En 1996, la Fondation Peter Moores a dépensé 456 000 livres pour les acquisitions.
Peter Moores, 65 ans, s’intéresse à l’art depuis toujours. Administrateur de Sotheby’s en 1969-1970, puis trustee de la Tate Gallery entre 1978 et 1985, il a créé la Peter Moores Foundation en 1964, grâce aux revenus de Littlewoods, l’entreprise familiale de paris sur le football dont il a été le président de 1977 à 1980. L’année dernière, la Fondation a distribué 2,7 millions de livres à divers organismes de charité, un peu plus d’un million de livres étant consacré à Compton Verney.
L’ancien directeur de la Dulwich Picture Gallery, Giles Waterfield, qui avait été nommé conservateur-conseil de Compton Verney en décembre 1995, a démissionné en septembre à la suite de désaccords avec Peter Moores. "Je pensais qu’en tant que conseiller, je devais orienter la constitution de la collection", regrette-t-il. Il avait insisté pour que celle-ci soit déployée de façon thématique et suggéré de faire la part belle aux œuvres représentant des enfants et l’univers de l’enfance : “Cet aspect aurait rencontré du succès auprès des visiteurs, tout en fonctionnant très bien sur le plan académique”. Un autre désaccord est survenu à propos du tableau de Zoffany, Le quatorzième Lord Willoughby de Broke et sa famille à Compton Verney dans la salle du petit déjeuner. Giles Waterfield était favorable à son acquisition et, malgré son prix très élevé, la Tate Gallery se montrait également intéressée. Ils avaient envisagé alors la possibilité d’un achat en commun, mais le Zoffany a finalement été vendu l’an dernier au Getty pour environ 3,5 millions de livres.
Au mois d’avril, Philip Wright avait également démissionné de son poste de conservateur à Compton Verney, six mois seulement après son entrée en fonctions. "Peter Moores souhaitait à l’origine une approche novatrice de la collection, mais il est finalement revenu à une conception traditionnelle. J’ai réalisé qu’il y avait eu un malentendu entre nous", a-t-il déclaré.
Agrandie par Robert Adam dans les années 1790, la demeure a été la propriété de la famille Willoughby de Broke jusqu’en 1921. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle a servi de cantonnement militaire. Restée par la suite inoccupée, et très endommagée, elle a été achetée, puis restaurée par le Compton Verney House Trust en 1993, grâce au financement de la Peter Moores Foundation. Si l’Heritage Lottery Fund accorde son soutien pour des travaux supplémentaires, Compton Verney fermera à l’automne 1998 pour deux ans. La Fondation s’est engagée à couvrir les frais de fonctionnement du musée jusqu’en 2003, soit 6,9 millions. À terme, elle aura apporté plus de 20 millions de livres, acquisitions comprises. Compton Verney espère accueillir 75 000 visiteurs par an.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : « Le comité de sélection, c’est moi »