Le projet très controversé du Mémorial national de l’Holocauste, à Berlin, joue de malchance : les travaux viennent d’être stoppés après la découverte du bunker présumé de Goebbels sur le site de construction.
BERLIN (de notre correspondante) - Les ouvriers chargés des travaux d’aménagement du terrain destiné à accueillir le Mémorial national de l’Holocauste ont découvert sous terre un bunker de 100 m2. Selon Helmut Engle, chargé de la protection des monuments à Berlin, il pourrait s’agir du bunker de Goebbels, ministre de la Propagande du régime nazi, et des experts doivent l’examiner pour décider s’il mérite d’être sauvegardé. En effet, depuis le début des années quatre-vingt-dix, des archéologues dénoncent la politique de destruction systématique de ces traces déplaisantes du passé, et les autorités commencent à prendre en compte leur valeur historique.
Si le bunker est finalement conservé, pourra-t-on décemment construire à côté un mémorial de l’Holocauste ? Wilfried Menghin, directeur du département national d’Archéologie, juge qu’il est encore trop tôt pour ce genre de juxtaposition.
Ces difficultés inattendues risquent de relancer une controverse jamais éteinte sur la forme à donner au monument et sur son opportunité même. Après la sélection des quatre finalistes en décembre, toutes les maquettes ont été exposées et une série de débats publics a été organisée. Plusieurs milliers de visiteurs sont venus, parmi lesquels le Chancelier Helmut Kohl. La décision finale devrait être rendue dans les semaines à venir. L’architecte Peter Eisenman et l’artiste Richard Serra proposent de recouvrir la totalité du terrain avec plus de 4 000 piliers de béton de hauteur différente pour créer une sorte de “champ de mémoire” monumental. Leur projet est donné gagnant contre ceux des architectes berlinois Daniel Libeskind et Gesine Weinmiller, fondés sur l’idée de recueillement, et celui de l’artiste allemand Jochen Gerz, conçu pour susciter un dialogue permanent avec les visiteurs.
Un large rejet du projet
Mais si chaque proposition a ses défenseurs et ses détracteurs, une large part du public rejette en bloc la construction du mémorial. Certains craignent que le IIIe Reich ne se voie accorder une place trop importante dans l’histoire ; d’autres redoutent que l’art ne serve à évacuer définitivement les événements réels du passé, à la manière d’une catharsis collective. Plus d’un tiers des commentaires consignés dans le livre d’or de l’exposition sont directement hostiles à la construction. D’autre part, des intellectuels ont adressé une pétition au Chancelier Kohl pour signifier leur désaccord sur le choix des finalistes. Ignatz Bubis, directeur du Conseil central des Juifs d’Allemagne, reconnaît qu’il n’est pas non plus convaincu par les projets retenus. Cependant, il croit à la nécessité de construire dès que possible un grand mémorial reconnaissant les crimes de la nation.
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Le bunker de Goebbels sous le Mémorial ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°56 du 13 mars 1998, avec le titre suivant : Le bunker de Goebbels sous le Mémorial ?