En Grande-Bretagne, la décision du British Museum de maintenir la gratuité apporte une contribution de poids au débat sur l’opportunité d’instaurer un droit d’entrée dans les musées. Les hésitations du gouvernement travailliste à respecter ses promesses électorales sur cette question avaient relancé la controverse.
LONDRES (de notre correspondant) - Le conseil d’administration du British Museum vient à sa façon de prendre position sur la question en décidant de maintenir la gratuité. L’idée d’instituer un droit d’entrée de 5 livres sterling a finalement été rejetée le 6 décembre. La fin de la gratuité aurait certainement entraîné des décisions identiques dans les principaux musées nationaux britanniques dont l’accès est encore libre. Cependant, le choix courageux du British Museum rend nécessaires la recherche de nouvelles sources de financement et la réalisation d’économies, sinon le déficit pourrait s’élever à 25 millions de livres (environ 250 millions de francs) en l’an 2000. En effet, la baisse des subventions amorcée sous le gouvernement conservateur devrait se poursuivre malgré l’arrivée des travaillistes au pouvoir. Selon David Barrie, directeur du National Art Collections Fund, “le gouvernement revient sur ses promesses. On pourrait même dire qu’il a retourné sa veste.” Il réagit ainsi aux déclarations de Mark Fisher, ministre des Arts. Celui-ci a reconnu que la question du droit d’entrée dans les musées était “plus compliquée” que prévu, et que sa suppression entraînerait des pertes de 20 à 40 millions de livres (200 à 400 millions de francs). Il a insisté sur le fait que l’accès au musée “dépend également des heures d’ouverture, des concessions, des périodes d’entrée gratuite, des conditions particulières réservées à certains groupes sociaux et de l’assujettissement à la TVA.” Par ailleurs, il a montré un réel enthousiasme pour l’action des National Museums & Galleries du Merseyside qui, le 1er juillet, ont mis en circulation une carte d’accès valable un an, au prix de 3 livres sterling, malgré le souhait du ministère de la Culture de différer l’opération.
Des institutions divisées
Il résulte d’un rapport de la Museum and Galleries Commision que la proportion de musées dont l’accès est payant varie de 10 % pour les institutions universitaires à 77 % pour les établissements indépendants (et tous ceux gérés par l’English Heritage et le National Trust). Ce rapport est considéré comme “l’étude la plus exhaustive sur les droits d’entrée jamais réalisée dans le pays”. Pourtant, l’un de ses principaux auteurs, le professeur Stephen Bailey, reconnaît que les données sont insuffisantes pour beaucoup de questions clés : “Nous ne savons pas avec certitude si les droits d’entrée influent sur le nombre des visiteurs, sur leur appartenance sociale, ni sur le fait qu’ils reviennent ou non au musée.”
Les conséquences sur la fréquentation de l’accès payant sont encore mal connues. En effet, les musées annoncent des résultats très différents, “d’une chute de 50 % à une augmentation de plus de 30 %.” D’après Stephen Bailey, il faut prendre en compte d’autres facteurs importants, comme le marketing ou les expositions temporaires. Une enquête menée auprès du public montre que l’application d’un droit d’entrée ne constitue pas un obstacle majeur. En réponse à la question, “Pourquoi n’avez-vous visité ni musée ni galerie d’art au cours des douze derniers mois ?”, 4 % seulement des personnes interrogées ont mentionné le droit d’entrée. Sur les personnes ayant déclaré qu’elles aimaient aller au musée mais qu’elles n’en avaient visité aucun au cours de l’année écoulée, 50 % ont expliqué que c’était par “manque de temps”. Mais la prudence s’impose dans l’interprétation de ces résultats : certains préfèrent peut-être répondre qu’ils sont trop occupés plutôt que d’avouer qu’ils ne veulent pas payer l’entrée au musée.
Les directeurs de musées restent très divisés sur la question. Pour Alan Borg, du Victoria & Albert Museum (entrée : 5 livres), “assurer l’accès gratuit, financé par l’État, revient à favoriser les classes moyennes en se servant des impôts des plus démunis. Faciliter l’accès au musée signifie qu’il faut attirer les personnes qui n’y viennent pas régulièrement en proposant le meilleur service possible et en offrant l’entrée à ceux qui en ont besoin”. Neil MacGregor, de la National Gallery (entrée gratuite) estime, lui, que “pendant 170 ans, notre collection s’est développée grâce aux dons et aux subventions gouvernementales. Nous offrons à chaque citoyen la chance de découvrir cet héritage exceptionnel. Les objets mobiliers les plus précieux de notre société sont la propriété de tous.”
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Le British Museum pour la gratuité d’accès
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : Le British Museum pour la gratuité d’accès