Sous l’impulsion de Walter Veltroni, en poste jusqu’en octobre dans le gouvernement Prodi, le ministère des Biens culturels italien a su mettre en place un énergique programme de relance et de modernisation du secteur. Outre d’importantes réformes administratives, la prolongation des horaires de visite, les ouvertures ou réouvertures de musées et les grands travaux se sont succédé à un rythme soutenu, notamment à Rome où la perspective du Jubilé de l’an 2000 a nettement accéléré les choses. Si, en cette fin d’année, les Romains essuient encore les plâtres, c’est une ville rénovée qui devrait voir le jour pour le troisième millénaire.
Capitale politique, Rome a été cette année le théâtre d’importantes réformes dans le domaine culturel, autour de la loi Bassanini de 1997. Partant d’une nouvelle distinction entre tutelle, exploitation et promotion des biens culturels, la gestion des musées et du patrimoine d’État sera désormais confiée aux régions, provinces et municipalités. Une commission paritaire nationale de 11 membres doit sélectionner d’ici deux ans les quelque 500 établissements concernés. Bien que déjà engagée, cette réforme suscite l’inquiétude parmi les professionnels, qui réclament notamment des garanties contre le fractionnement des fonctions.
Le second virage est en revanche définitivement négocié. Par un décret du 16 octobre, le ministère des Biens culturels et de l’Environnement a déjà opéré sa transformation : d’une part, ses compétences s’élargissent aux secteurs du spectacle et du sport – qui dépendaient jusqu’à présent du Conseil des ministres –, d’autre part, il gagne en flexibilité et en pouvoir de décision, bien au-delà de la simple rationalisation des dépenses. Le but est de mettre en place un centre solide et efficace conciliant “une forte articulation des fonctions sur le territoire” avec une “autonomie pour les structures les plus importantes”.
Dans cette optique, un poste de secrétaire général sera créé pour servir d’intermédiaire entre le ministre et les dix directions générales. De nouvelles surintendances régionales s’ajouteront aussi à celles qui existent déjà. L’autonomie scientifique et administrative, avec la possibilité d’introduire des partenaires privés dans la gestion, sera accordée par décret, au cas par cas, aux surintendances, aux musées, aux bibliothèques et aux archives.
C’est à Giovanna Melandri, 36 ans, nommée en remplacement de Walter Veltroni par le nouveau président du Conseil, Massimo D’Alema, qu’il incombe de présider à la naissance du nouveau ministère, prévue d’ici la fin de l’année.
Rome, ville ouverte
En toile de fond à tous ces changements, Rome prépare activement le Jubilé tout proche. La ville est littéralement dévastée par les travaux, et la gêne occasionnée aux citadins est à la limite du supportable. Un panneau sur l’échafaudage du palais Venezia, en cours de restauration, résume bien la situation : “700 chantiers ouverts. Rome se prépare à l’an 2000. Aujourd’hui les désagréments, demain une ville meilleure”.
Il faut dire que la capitale italienne est passé d’un immobilisme absolu à une frénésie peut-être excessive et parfois brouillonne, étant donné le chevauchement des compétences. Au maire Francesco Rutelli, nommé jusqu’en juin 2001 “commissaire extraordinaire pour le Grand Jubilé de 2000”, il faut ajouter la Commune et la Province de Rome, la Région du Latium, le ministère des Travaux publics, le ministère des Biens culturels, l’Agence romaine pour la préparation du Jubilé, et naturellement le Vatican. Les ardentes polémiques qui avaient opposé le maire au surintendant Adriano La Regina ont conduit à l’abandon de certaines interventions. D’autres ont dû être annulées au fur et à mesure que l’échéance se rapprochait. Ainsi, le passage souterrain – d’abord routier puis piéton – du château Saint-Ange est passé à la trappe, et la restauration du Colisée a été reportée à 2000.
Mais les réalisations n’en demeurent pas moins importantes. Pour l’archéologie, la réouverture du Musée national romain sera menée à terme dans ses trois bâtiments des palais Altemps, Massimo et des thermes de Dioclétien. La gestion Veltroni peut d’ores et déjà s’enorgueillir de l’ouverture du palais Altemps en décembre 1997, puis du palais Massimo en juin 1998, après des décennies de fermeture et de restaurations. Dans le premier, on peut enfin admirer un fabuleux ensemble de statuaire antique et, dans le second, des décors de mosaïques et de peintures murales ainsi que les deux exceptionnelles séries de fresques de la villa Farnesina et du triclinium de la villa Livia à Prima Porta.
Parallèlement, le projet “Forums impériaux”, une fouille-événement qui touche près de 14 000 m2 en plein centre ville, avance bien. Une promenade surélevée sera aménagée au milieu des sites archéologiques, reliés entre eux par d’anciennes conduites romaines. Les restaurations prévues ou en cours sont légion, depuis les trois arcs de triomphe de Titus, Constantin et Septime Sévère jusqu’à la basilique de Massenzio et au temple de Romulus, en passant par le théâtre de Marcellus. Il reviendra en revanche à la Surintendance municipale de mener à bien le projet du “Grand Capitole “, avec la restauration de la totalité du complexe architectural et le réaménagement intégral des Musées capitolins.
Sur l’Esquilin, les fouilles continuent, après avoir révélé, près de la Domus aurea, deux fresques représentant une ville fortifiée et des scènes de vendanges, puis des mosaïques. Quant à la fameuse maison de Néron, fermée au début des années quatre-vingt pour des problèmes de conservation, elle rouvrira le 25 juin 1999. Ses 35 salles ornées de peintures “grotesques”, qui ont tant impressionné les artistes italiens du tournant des XVe et XVIe siècles, seront de nouveau accessibles au public.
3 500 milliards de lires pour le Jubilé
Sur le plan de la conservation, une liste interminable d’églises, de bâtiments, de façades, de ponts, de parcs et de villas historiques se refont une beauté, grâce aux 3 500 milliards de lires (près de 12 milliards de francs) débloqués pour le Jubilé. À titre d’exemple, le palais Barberini, somptueux siège de la Galerie nationale d’art antique, est enfin libéré du Cercle officiel des Forces armées et pourra exposer convenablement ses collections, tandis que la Galerie nationale d’art moderne poursuit sa rénovation intérieure. La totalité du XIXe siècle sera réinstallée d’ici décembre, suivie, un an plus tard, par la section du XXe siècle et la complète mise en route du musée. Le nouvel auditorium conçu par Renzo Piano, après une succession d’interruptions et de modifications, progresse maintenant rapidement, et des appels d’offres ont été lancés pour le Musée de l’Ara Pacis de l’architecte Richard Meier, première étape d’une restructuration totale de la place Augusto Imperatore, qui fera l’objet d’un concours international en 2000.
De son côté, tout en poursuivant la restauration des fresques du Quattrocento dans la chapelle Sixtine, le Vatican se prépare activement au Jubilé. La façade de Saint-Pierre et la colonnade du Bernin seront entièrement ravalées pour l’occasion. Mais surtout, les musées seront dotés d’une nouvelle entrée, près de l’ancienne, creusée sur quatre niveaux souterrains afin d’absorber 2 000 visiteurs à la fois, d’éviter les files d’attente et de redessiner les circuits intérieurs de manière plus cohérente.
Enfin, un centre d’art contemporain, comparable au Centre Pompidou à Paris, est sur le point de voir le jour dans l’ancienne caserne Montello de la via Guido Reni. Le projet lauréat sera proclamé le 22 février. Ce nouvel institut, soutenu par un financement de 90 milliards de lires (306 millions de francs), se veut aussi bien un musée d’art contemporain qu’un véritable centre expérimental, promoteur de la création plastique et architecturale actuelle.
Sur le plan des expositions, on assiste à un accroissement de l’intérêt général pour le Baroque. Outre “Le Bernin sculpteur et la naissance du Baroque dans la maison Borghèse”, présentée à la Galerie Borghèse, les célébrations romaines du quatrième centenaire de la naissance du Bernin se poursuivent à Ariccia, avec l’exposition consacrée au projet d’installation du bourg à quelques kilomètres de la capitale, pour se terminer au palais des Expositions, à partir du 25 mars. De janvier à avril, toujours au palais des Expositions, se tiendra une rétrospective consacrée au génie d’Alessandro Algardi, tandis qu’à la fin de l’année, un hommage voulu et réalisé par l’Albertina de Vienne sera rendu à Francesco Borromini, en collaboration avec la Bibliothèque Hertziana de Rome et le Musée cantonal de Lugano. Les autres époques ne seront bien évidemment pas absentes pour autant, avec notamment Francesco Salviati, Angelica Kauffmann et Lucio Fontana.
Mais c’est surtout en l’an 2000 que les Romains bénéficieront d’un véritable foisonnement d’événements culturels, à travers une cinquantaine d’expositions, dont le ministère de la Culture et l’Agence romaine pour le Jubilé ont fourni une première liste le 30 novembre. La ville Éternelle y sera à l’honneur, depuis “Rome 1918-1943”, dès l’année prochaine, jusqu’à “La Rome chrétienne”, à l’automne 2000, en passant par “La Rome antique et moderne au XVIIe siècle”.
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L’art et la culture jubilent à Rome
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°73 du 18 décembre 1998, avec le titre suivant : L’art et la culture jubilent à Rome