Directeur du Musée des Augustins à Toulouse, Axel Hémery dévoile ses projets et ses priorités pour le musée.
Après des débuts à Alès (Gard), au Musée Pierre-André - Benoît, Axel Hemery a rejoint en 1998 la conservation des peintures du Musée des Augustins, à Toulouse, institution dont il a pris la direction
en mars 2009. Il dévoile ses projets pour le musée et commente l’actualité.
Vous avez pris la tête du Musée des Augustins, à Toulouse, où vous étiez jusqu’alors conservateur. Quelles actions souhaitez-vous y développer ?
Je souhaite développer un certain nombre de rencontres avec d’autres formes artistiques, éventuellement contemporaines (à l’instar de ce qui a été mis en place pour le Printemps de septembre), mais toujours en cohérence avec nos collections. L’exposition consacrée actuellement à Antonio Verrio (lire p. 6) est assez représentative de ce que nous aimons faire : partir d’un pan de nos collections afin de parvenir à un regard plus périphérique et de s’échapper vers d’autres horizons.
Je suis fidèle à la politique déterminée par Alain Daguerre de Hureaux [directeur du musée de 1995 à 2008] : la collection est la base de notre travail.
L’événement est facile à créer, mais s’il s’agit d’une bulle de savon et que le visiteur décroche ensuite, ce n’est pas satisfaisant. Vous ne verrez pas d’exposition du type « Civilisations » au Musée des Augustins, car ce n’est pas le lieu, d’autres font cela bien mieux que nous. Il y a aujourd’hui une certaine déontologie à respecter dans la recherche de ces événements. Cette approche apparemment sérieuse ne doit pas occulter l’envie de faire des choses plus « grand public » occasionnellement, à partir du moment où l’on ne quitte pas les rails.
Nous avons la chance de détenir une collection suffisamment variée et suggestive, comportant des points forts exceptionnels comme la sculpture, le Moyen Âge ou le XIXe, pour creuser notre sillon. Il y aurait des possibilités de créer un événement autour de l’œuvre de Benjamin Constant, un très beau peintre trop peu connu, ou encore sur l’art médiéval. De temps en temps (tous les quatre ou cinq ans), une exposition spectaculaire, pour laquelle nous resterons très exigeants sur la qualité scientifique, devrait voir le jour. Nous organisons ainsi pour 2012 conjointement avec le Musée Fabre à Montpellier une exposition sur le caravagisme.
Quel sera le propos de cette exposition ?
Prévue pour l’été 2012, cette exposition s’inscrit dans le cadre de Frame [French Regional & American Museum Exchange, un réseau de vingt-quatre musées français et américains]. Le Musée Fabre présenterait le versant italien et français du caravagisme, le Musée des Augustins, son versant hollandais et flamand, avec, au centre, le caravagisme d’Utrecht. Nous y inclurons de grands maîtres comme Rubens et Rembrandt.
Le Musée de Los Angeles reprendrait une version resserrée de l’exposition. Nous ne nous interdisons pas d’aller chercher des tableaux en dehors des collections de Frame, mais celles-ci en constitueront la base. Lorsque l’on rassemble des œuvres venant des musées de Los Angeles, Hartford, Lyon, Rouen ou Strasbourg, le résultat forme un ensemble exceptionnel. Quelques demandes seront, cela dit, adressées à d’autres établissements.
Le Musée des Augustins attend depuis un certain nombre d’années une rénovation globale et une extension ; où en est le projet ?
Actuellement, il n’y a pas de véritable projet en cours. Plutôt que de traiter l’ensemble de manière globale, nous nous attaquons à différentes parties du musée, comme la rénovation prochaine de la toiture ou l’accessibilité du musée. Au terme de ces travaux, le musée sera bientôt accessible à 40 % aux personnes handicapées. L’échéancier étant fixé à 2015, une deuxième vague de travaux d’accessibilité débutera en 2012. Les grands travaux ne sont pas inenvisageables, mais ils ne sont pas programmés dans l’immédiat. La nomination annoncée d’un directeur du patrimoine et des musées pour la Ville de Toulouse est un signal fort qui pourrait aller dans le sens d’un renforcement du patrimoine de la ville.
Le musée porte un soin particulier à ses collections en effectuant nombre de restaurations. Comment s’articule la collaboration entre un conservateur et un restaurateur ?
La collaboration du conservateur avec les restaurateurs se fait dans un dialogue constant et dans cette même certitude qu’il faut arrêter si l’opération n’apporte rien. C’est l’œuvre qui dicte sa loi, jamais les présupposés théoriques. La restauration comporte toujours un pari, et la réalité de l’œuvre exige parfois que l’on s’arrête. Mais quel plaisir quand on peut continuer, comme nous avons pu le faire avec le Saint Félix de Cantalice de Verrio, dont la restauration a duré trois ans… Notre politique de restauration est très ambitieuse et elle nourrit nos expositions. Elle est aussi visible au musée par le biais de rencontres entre les restaurateurs et le public.
Que pensez-vous du débat actuel sur la direction des musées opposant des administratifs (le plus souvent des énarques) aux conservateurs ?
Le système français a l’avantage de pousser les conservateurs à devenir des administratifs, à s’intéresser à la gestion des ressources humaines et aux budgets. Un conservateur qui saura s’intéresser à la partie administrative de son travail sera plus à même de prendre les bonnes décisions stratégiques pour son établissement qu’une personne qui devrait découvrir le fonctionnement d’un musée en abordant ce type de fonction. L’enseignement de l’Institut national du patrimoine était plus théorique autrefois, mais aujourd’hui il est pratique et forme les conservateurs à ce type de défi.
En revanche, il est important que les conservateurs aient aussi, au sein des musées qu’ils dirigent, un attaché d’administration de haut niveau pour les seconder – c’est le plus souvent le cas d’ailleurs dans les musées dépendant des collectivités.
Le système français a vraiment des avantages sur les systèmes américain et anglo-saxon où la direction du musée est bien souvent bicéphale, avec, placés sur le même plan, le directeur administratif et financier et le directeur conservateur. Le travail des directeurs de musées américains se tourne d’ailleurs de plus en plus vers le fundraising [collecte de fonds] et de moins en moins vers le projet scientifique du musée. Essayons d’échapper le plus longtemps possible à cette évolution.
Quelle importance revêt le mécénat pour un musée comme les Augustins ?
C’est une vraie préoccupation pour nous, mais il faudrait une personne à temps plein pour s’y consacrer, ce qui est impossible. Nous travaillons la question, même si ce n’est pas toujours simple. Nous développons le mécénat mais à une échelle qui n’est pas celle des établissements parisiens. Nous avons obtenu quelques fonds qui nous ont aidés à restaurer des œuvres ou à en acheter. Le mécénat ne doit pas remplacer les politiques publiques, mais c’est aujourd’hui un complément indispensable. Il doit se fonder sur un dialogue, un partenariat, avec des mécènes attentifs à ce que les pouvoirs publics continuent à soutenir les musées en France.
Une exposition a-t-elle retenu votre attention récemment ?
J’avais beaucoup apprécié, à l’automne dernier, l’exposition du Musée Cognac-Jay [Paris] sur « Marguerite Gérard, artiste en 1789 », qui parlait intelligemment d’une période, évoquant la société parisienne du XVIIIe siècle aussi bien que les relations de l’artiste avec Fragonard, et ce dans un lieu vraiment idéal pour la démonstration. J’ai également trouvé très intelligente l’exposition consacrée à Jean Raoux au Musée Fabre, à Montpellier. Il s’agissait de la résurrection d’un artiste important, un peintre très délicat, dont l’œuvre est fait pour ceux qui aiment la peinture. Ce parcours offrait par ailleurs un point de vue très pertinent sur la création à Paris à l’époque de la Régence.
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L’actualité vue par Axel Hémery, directeur du Musée des Augustins à Toulouse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : L’actualité vue par Axel Hémery, directeur du Musée des Augustins à Toulouse