Ann Goldstein, directrice du Stedelijk Museum d’Amsterdam, a rouvert temporairement le musée fermé depuis sept ans.
Après avoir abandonné plusieurs projets d’extension et de rénovation, ceux des architectes Robert Venturi puis Álvaro Siza, le Stedelijk Museum d’Amsterdam a finalement choisi celui de l’agence néerlandaise Benthem Crouwel Architects. Fermé depuis 2004 pour travaux, le musée, qui compte l’une des collections d’art moderne et contemporain les plus importantes d’Europe, devrait être achevé à la fin 2011. Il vient de rouvrir provisoirement avec l’exposition « Taking Place » qui réunit les œuvres de vingt artistes parmi lesquels Daniel Buren, Martin Kippenberger, Roman Ondák ou Barbara Kruger. L’institution est dirigée depuis janvier par l’Américaine Ann Goldstein, qui a travaillé pendant vingt-cinq ans au MOCA [Museum of Contemporary Art] de Los Angeles. Elle y a en particulier organisé les expositions « Martin Kippenberger : The Problem Perspective » (2008), « Lawrence Weiner : as far as the eye can see » (2007), « Jennifer Bornstein » (2005), « Barbara Kruger » (1999), « Christopher Wool » (1998), « Felix Gonzalez-Torres » (1994)… Ann Golstein commente l’actualité.
Philippe Régnier - Quelles sont les raisons qui vous ont motivée à quitter les États-Unis pour venir diriger le Stedelijk Museum d’Amsterdam ?
Ann Goldstein - J’ai été très honorée d’avoir l’opportunité d’occuper ce poste, en particulier parce que le Stedelijk Museum m’offre la possibilité, après avoir travaillé pendant tant d’années au MOCA de Los Angeles, d’arriver dans une institution en Europe qui fait partie de mon histoire en tant que professionnelle de musée. Le Stedelijk Museum a eu pendant des années une place importante internationalement. Ce moment est particulier pour de nombreuses raisons.
Qu’est-ce qui vous a attirée : la collection d’art moderne ou la possibilité d’organiser des expositions d’art contemporain ?
Le Stedelijk Museum a une collection remarquable. Ce n’est pas seulement la collection d’art moderne et contemporain la plus importante des Pays-Bas, c’est aussi l’une des plus importantes au monde. Diriger un tel musée est, bien sûr, très séduisant. Le MOCA disposait de 6 000 œuvres, nous en avons ici 90 000 ! Le musée a une longue expérience pour la conservation, l’accrochage, la recherche et l’éducation. En outre, il a organisé des expositions fondatrices, provocatrices, historiquement nécessaires. Ceci m’a stimulée en tant que conservatrice. Et je serai attentive aussi bien aux artistes très jeunes qu’à ceux établis, aussi bien aux périodes historiques qu’à l’art contemporain.
Le musée a été fermé pendant près de sept ans. Que s’est-il passé pendant ce temps ?
Le bâtiment historique du musée a fermé en janvier 2004 pour une rénovation et la construction d’une extension. Le musée a disposé d’un bâtiment provisoire entre 2004 et 2008. Pendant quelques années, il n’a pas eu de siège, mais les prêts de la collection se poursuivaient tout comme certaines activités. J’ai pensé que cette fermeture avait été trop longue. J’ai pris mon poste en janvier de cette année et mon premier objectif a été de disposer d’un musée fonctionnant totalement. J’ai compris tout de suite qu’il y avait l’opportunité de faire quelque chose temporairement dans le bâtiment non fini. J’ai été enchantée de lui redonner vie grâce à l’art, et d’y voir revenir les artistes et le public. Le « Temporary Stedelijk » est ce moment précis dans l’histoire du musée où nous pouvons utiliser ce bâtiment sans qu’il ne soit encore le musée. C’est une chose que nous ne pouvions faire que maintenant. Nous ne pouvions pas y montrer les chefs-d’œuvre de la collection parce que le bâtiment n’est pas climatisé et n’est donc pas aux normes. Mais il sera plus tard réservé à la collection. Nous l’avons donc utilisé d’une manière selon laquelle il ne pourra plus l’être. Je voulais susciter des questions et des débats sur la question du rôle et de la fonction d’un musée. Alors que l’équipe doit faire face à tant de choses, elle a pu encore prendre le temps d’improviser. Elle a réalisé un travail remarquable pour imaginer un musée avec ses activités, avec un programme éducatif, des conférences, des projections, et deux expositions temporaires. Ce bâtiment non fini, qui a été fermé pendant sept ans, a retrouvé pour quatre mois nombre de ses espaces publics comme le café, l’auditorium, et même l’entrée. Tout ceci changera quand tous les travaux seront terminés.
L’exposition « Taking Place » propose une expérience inhabituelle puisque, à côté d’un ensemble remarquable d’œuvres, elle offre des salles totalement vides. Pourquoi avoir fait ce choix ?
J’avais une vision globale pour le « Temporary Stedelijk », à la fois pour le bâtiment et le programme. Je voulais une exposition qui articule spécifiquement ce moment d’entre-deux. Je voulais donner l’opportunité à ce public qui revient pour la première fois dans ce bâtiment depuis sept ans d’admirer cette magnifique rénovation. L’idée derrière « Taking Place » était de profiter de ce moment pour montrer ce qui était en train de se produire. Je voulais que ce soit comme une chasse au trésor, que l’on marche dans l’espace avant de découvrir une œuvre. C’est une expérience très différente en comparaison aux accrochages où chaque pièce est juxtaposée à une autre. Les visiteurs n’y sont pas habitués. Les œuvres de ces vingt artistes ont parfois un lien avec l’histoire du Stedelijk Museum, ou un lien plastique avec le bâtiment, ou avec le concept même de musée. C’est une réunion d’œuvres qui montrent chacune à leur manière comment les artistes animent l’espace. Il est toujours intéressant, quand un musée invite un artiste à faire une exposition, de voir ce qu’il va faire. Nous offrons avec « Taking Place » ce genre de point de vue sur la façon dont les artistes utilisent l’espace.
Dans « Taking Place », vous présentez une pièce de William Leavitt. Vous préparez actuellement une grande exposition de son travail pour novembre au MOCA. Allez-vous ouvrir le Stedelijk Museum plus spécialement aux artistes de Los Angeles ?
Los Angeles fait partie de moi-même, j’y suis né et j’y ai grandi, et c’est un centre très important pour l’art contemporain depuis plusieurs décennies. Des gens comme William Leavitt ont aussi une relation avec Amsterdam dans la mesure où il y a déjà exposé des projets. J’ai pensé que c’était une opportunité intéressante de présenter son travail dans ce contexte. De même pour Morgan Fisher dont les peintures de fenêtres et de portes ont été faites en Allemagne puis refaites à Amsterdam. William Leavitt travaille sur cette idée de prendre un endroit et de le déplacer ailleurs, ici un espace vernaculaire de Los Angeles, un patio californien très typique de Los Angeles. Cette pièce a une présence extraordinaire. Et j’ai décidé qu’elle ferait partie de la collection du musée.
Le Stedelik Museum va à nouveau fermer en janvier 2011. Avez-vous prévu une programmation hors les murs avant sa réouverture définitive ?
Nous n’avons pas encore de date définitive pour la réouverture, mais nous espérons que ce sera avant la fin de 2011. Je souhaite que la présence du Stedelijk Museum reste forte et active même si les équipes seront mobilisées par la réouverture. Nous réfléchissons actuellement à nos actions pour l’année prochaine. Mais nous avons besoin de fermer le bâtiment pour le relier à la nouvelle extension, installer la climatisation et réguler les deux bâtiments ; pour aménager la boutique, le restaurant et enfin procéder à l’accrochage des œuvres.
Continuez-vous toujours à faire des acquisitions ?
Les conservateurs continuent à travailler en vue d’acquisitions. Même pendant la fermeture, la collection s’est enrichie. L’une des raisons qui ont conduit à ces travaux d’agrandissement était de mettre en valeur la collection. Dans le nouveau bâtiment, nous aurons plus de place pour l’exposer. La collection est le cœur d’une institution. Cet ensemble est exceptionnel et je réfléchis à des acquisitions stratégiques d’artistes locaux et internationaux.
Les Amis du musée viennent d’offrir une œuvre de Lawrence Weiner. Font-ils beaucoup de donations ?
Ce don est très spécial parce qu’il a été préparé longtemps avant que je n’arrive et l’initiative en revient à mon prédécesseur, Gijs van Tuyl. Les Amis sont des membres dévoués de la famille du Stedelijk Museum. Ils sont très généreux. Cette pièce a été conçue pour entretenir un dialogue avec le Karel Appel qui se trouve sur le mur opposé de la même salle.
Pourquoi avez-vous décidé de ne pas utiliser l’identité visuelle conçue par Pierre Di Sciullo pour le musée ?
En tant que nouvelle directrice, je voulais pouvoir réfléchir à la future identité visuelle de l’institution. J’ai décidé de ne pas conserver le projet choisi avant mon arrivée. Pour l’instant, je n’ai pas de projet alternatif mais nous disposons d’un fantastique graphisme pour le « Temporary Stedelijk ».
Jeffrey Deitch est le nouveau directeur du MOCA de Los Angeles, que vous connaissez bien. Qu’avez-vous pensé de ce recrutement ?
Le MOCA est une institution importante pour moi, pour Los Angeles, et pour le monde, et je crois que Jeffrey Deitch pense la même chose. Il a énormément d’énergie, et je lui souhaite beaucoup de succès. Comme tout nouveau directeur, il devra trouver sa voie et le MOCA devrait rester l’un des plus grands musées d’art contemporain au monde.
Quelle exposition vous a marquée récemment ?
Cet été, j’ai vu l’exposition de la collection Daled à la Haus der Kunst à Munich. J’ai trouvé très intime et personnelle cette façon de présenter la vision d’un collectionneur qui a été si engagé envers de nombreux artistes de sa génération. Voir cette exposition a été une expérience extraordinaire pour moi.
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L’actualité vue par Ann Goldstein, directrice du Stedelijk Museum d’Amsterdam
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°331 du 24 septembre 2010, avec le titre suivant : L’actualité vue par Ann Goldstein, directrice du Stedelijk Museum d’Amsterdam