Combien de pas faut-il presser pour éroder un escalier ? Des centaines, des milliers, des centaines de milliers, pieds posés par millions sur des centaines d’années.
Qui monte encore dans les greniers de l’abbaye de Saint-Riquier voit les marches courbées sous le poids des moines. Depuis le temps que l’on y grimpe – peut-être pas Mathusalem mais Charlemagne, au moins –, les arêtes sont devenues glissantes. Après son arrivée en août 2011, Anne Potié les a courues des abysses abbatiaux aux mansardes. Dans l’inventaire des 8 000 m2 de ce domaine carolingien, la directrice a découvert une bibliothèque pleine à craquer d’ouvrages très précieux pour ceux, nombreux, qui s’intéressent au « mobilier funéraire gallo-romain et franc en Picardie et en Artois ». Tout à côté, dans une pièce où ne semblait loger que la poussière, un carton portait mention « Nithard ».
Hariulf, un moine chroniqueur du XIIe siècle, a consigné la mort du susnommé, descendant de Charlemagne par sa fille Berthe : occis lors d’un combat contre les Aquitains, le petit-fils de l’empereur d’Occident est mis en terre en 844 à Saint-Riquier aux côtés de son père, Angilbert. C’est là même qu’Honoré Bernard, dont même le nom sonne historique, trouve les restes en 1989. On les envoie comme il se doit dans un laboratoire pour analyse et puis ils disparaissent. Vingt ans plus tard, c’est donc Mme Potié qui, dans le tour des lieux avec Mme Martin, adjointe au maire, épouse d’un historien local, retrouve Nithard dans un mitard.
Les rois depuis longtemps n’y ont pas mis un pied. Des moines ne restent que des clous plantés pour faire pousser des vignes sur la façade en pierre. Dans ce silence, Saint-Riquier vit encore. Le parc, mouillé par la lumière du Nord, sent bon l’herbe coupée. Des arbres du verger tombent des feuilles toute l’année pour le plaisir de les entendre craquer. Entre les granges picardes, une barque sur la quille, portée depuis la baie de Somme non loin de là. Restés sous le tympan central de l’abbatiale pour contempler la Vierge couronnée, les visiteurs ne voient pas dans leur dos passer les villageois dévots directement aux caves. Les gardiens, de temps à autre, veulent bien les leur ouvrir. Il y aurait côté jardin, dans le prolongement d’une aile montée à l’est, une petite porte, un escalier puis un passage. Certains y viennent courber l’échine et se cogner la tête pour puiser l’eau miraculeuse de la source de Saint-Marcoult.
Où ?
Abbaye de Saint-Riquier, centre culturel, place de l’Église, Saint-Riquier (80)
Comment ?
www.ccr-abbaye-saint-riquier.fr
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’abbaye de Saint-Riquier
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°661 du 1 octobre 2013, avec le titre suivant : L’abbaye de Saint-Riquier