ISTAMBUL (TURQUIE) [11.12.12] – Poursuivant ses actions visant à la récupération de son patrimoine national, la Turquie déposera prochainement une demande inédite devant la Cour européenne des droits de l’homme, dans le but de récupérer les vestiges du célèbre mausolée d’Halicarnasse détenus par le British Museum.
Recouvrer le patrimoine culturel national, voici la mission que le gouvernement turc s’est donné, et il n’hésite pas à le prouver par les actes. Depuis quelques années, les demandes de restitutions faites par Istanbul affluent.
La plus récente est celle faite au Louvre après que les autorités turques aient mis en doute la provenance de mosaïques exposées dans le nouveau pavillon des Arts de L’Islam. Dernière restitution en date : une mosaïque de la période hellénistique représentant Orphée, charmant des animaux en jouant de la lyre. Dérobée sur le site archéologique de Sanliurfa en 1998, elle avait été acquise par le musée d’art de Dallas en 1999. Celui-ci a découvert sa provenance douteuse récemment et a contacté les autorités turques. On se souvient aussi de l’affaire du sphinx de Bogazköy qui avait opposé en 2011 l’Allemagne à la Turquie. Face aux réticences des autorités allemandes, Istanbul n’avait pas hésité à menacer d’interdire les chantiers de fouilles allemands sur son territoire.
Mais la Turquie s’apprête à demander rien de moins qu’une des sept anciennes merveilles du monde, les restes du mythique mausolée d’Halicarnasse, qui sont exposés depuis la fin du XIXe siècle à Londres, au British Museum. Découvert lors de fouilles près de Bodrum (actuelle Halicarnasse), les restes de la tombe du roi Mausole furent emportés par les britanniques et « nous ne pensons pas que ces artefacts aient été emportés légalement » a déclaré Remzi Kazmaz, un des avocats en charge de la demande de restitution.
Cette fois, les autorités turques entendent saisir la Cour européenne des droits de l’homme, un recours inédit dans une affaire de restitution d’objet culturel. Le Guardian rapporte en effet qu’un dossier sera déposé par la Turquie le 30 janvier prochain devant la cour. Il s’accompagnera d’une pétition de 118 000 signatures réclamant le retour des restes du mausolée en Turquie, ainsi que d’un film documentaire spécialement réalisé pour l’occasion montrant comment la Turquie a perdu ce trésor national. Pour Gwendolen Morgan, spécialiste des droits de l’homme et avocate pour le cabinet Bindmans LLP, utiliser les droits de l’homme contre le gouvernement britannique pourrait être une puissante carte dans la bataille juridique qui s’annonce. Elle ajoute néanmoins que les fouilles ayant eu lieu dans les années 1850, il pourrait s’avérer extrêmement difficile d’appliquer les principes édictés par la convention européenne des droits de l’homme qui est entrée en vigueur en 1954 et dont dépend le tribunal de Strasbourg.
Cependant, les juristes qui représentent la ville de Bodrum et le gouvernement turc pourraient mettre en avant le fait que le droit est « un instrument vivant », et qu’en conséquence, les événements passés dont il est ici question devront être examinés à la lumière des législations internationales actuelles. Des conventions telles que celles de l’UNESCO concernant la protection des biens culturels pourraient alors s’appliquer.
De son côté, le British Museum a rappelé qu’au moment des faits, les autorités ottomanes avaient délivré les permis légaux autorisant les chercheurs britanniques à fouiller le site du mausolée et à ramener les pièces découvertes en Angleterre. L’institution considère donc la provenance des restes du mausolée d’Halicarnasse comme parfaitement légale.
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La Turquie en appelle à la Cour européenne des droits de l’homme pour recouvrer son patrimoine
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Abonnez-vous dès 1 €Statue colossale identifiée comme le roi Caria provenant du Mausolée d'Harlicarnasse (350 av.J.-C.) - Marbre - British Museum, Londres © Photo Marie-Lan Nguyen - 2007 - Licence CC BY-SA 2.5