La Tate Gallery de Londres devrait être le premier musée national britannique à reconnaître qu’il possède un tableau ayant appartenu à une victime des nazis. Cette révélation intervient alors que le musée recherche dans ses collections des œuvres dont la provenance est incertaine entre 1933 et 1945.
LONDRES (de notre correspondant) - La Tate Gallery de Londres devrait bientôt faire savoir que la Vue de Hampton Court Palace peinte vers 1710 par Jan Griffier, un peintre hollandais de vues urbaines qui connut un certain succès en Angleterre au début du XVIIIe siècle, aurait appartenu à un banquier juif allemand dans les années trente. Une telle œuvre est aujourd’hui estimée entre 120 et 200 000 livres sterling (entre 1,2 et 2 millions de francs), et la famille se verra certainement offrir des compensations financières si elle souhaite que le tableau reste exposé au public. Le banquier de Düsseldorf qui le possédait avait été fusillé par les nazis en 1937. Ses enfants avaient alors émigré en Angleterre, mais sa femme avait fui vers Bruxelles avec une grande partie de la collection d’œuvres d’art pour s’y cacher. Afin de survivre, elle avait dû vendre des tableaux, et l’on pense que le Griffier s’est ainsi retrouvé dans une galerie de l’avenue Louise, contre “une pomme et un œuf”. Déportée en 1944, elle a survécu aux camps de concentration et rejoint sa famille en Angleterre, où elle est décédée en 1968. Aujourd’hui, ses deux fils et sa fille font valoir leurs droits. La Vue de Hampton Court Palace avait été offerte en 1961 au musée londonien par les Amis de la Tate Gallery, qui l’avaient acquise auprès de Roland, Browse and Delbanco pour 400 livres. Avant qu’eux-mêmes ne l’achètent chez Kunsthaus Lempertz, la maison de vente de Cologne, le 24 novembre 1955, l’œuvre se trouvait dans une collection privée dans le sud de l’Allemagne. Reste à savoir si la vente réalisée à Bruxelles a été “forcée” – la veuve a dû céder le tableau pour se nourrir à une époque où les prix du marché de l’art était bas, mais la vente n’a pas été demandée par les autorités nazies.
Après la National Gallery, qui a déjà publié le résultat provisoire de ses recherches (lire le JdA n° 78, 5 mars), d’autres musées comme le British Museum ou la Tate devraient, au cours de l’automne, divulguer leurs propres listes d’œuvres “dont l’origine est incertaine entre 1933 et 1945”.
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La Tate Gallery montre la voie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : La Tate Gallery montre la voie