Un tribunal new-yorkais vient de rendre sa décision dans la longue et féroce bataille juridique autour de la succession d’Andy Warhol. Les deux avocats chargés de régler la succession de l’artiste se sont vus accorder 7,3 millions de dollars (37 millions de francs), une manne qui aurait ému Warhol lui-même. La Fondation Warhol a fait appel et annonce par ailleurs la création d’un comité chargé d’authentifier les œuvres de l’artiste.
NEW YORK (de notre correspondant) - Le procès qui opposait la Andy Warhol Foundation for Visual Arts, principale bénéficiaire de la succession de l’artiste, à Edward Hayes, l’avocat chargé de la succession, a tourné à l’avantage de ce dernier. Pour engager cette action contre la Fondation Warhol, Hayes s’était fait assister de Francis Harvey, qui aura droit à 25 % des sommes accordées par le tribunal. En rendant son jugement, le juge Eve Preminger a estimé qu’Edward Hayes avait "garanti la position de Warhol sur un marché fluctuant" et que "la succession avait pu survivre et même prospérer."
Ancien procureur, engagé au lendemain de la disparition de Warhol, en février 1987, Edward Hayes avait alors demandé 12 millions de dollars à titre de rémunération – correspondant à 2 % du montant de la succession, estimée à 600 millions de dollars.
La Fondation avait contesté cette somme, en se fondant sur l’estimation établie par Christie’s, qui s’élevait à 220 millions de dollars seulement, dont 95 millions pour les œuvres d’art. Elle estimait en outre que les 4,85 millions de dollars déjà perçus par Hayes étaient suffisants. Il y a un an, après avoir rejeté l’évaluation de Christie’s, le juge Preminger fixait la valeur des œuvres d’art à 390,9 millions de dollars (2,1 milliards de francs), et la valeur totale de la succession à 509,9 millions de dollars (2,8 milliards de francs) – une succession qui comprend des œuvres de Warhol bien sûr (700 tableaux, 9 000 dessins, 19 000 estampes et 66 000 photos) mais aussi des œuvres d’autres artistes, des biens immobiliers et un portefeuille de valeurs mobilières.
Création d’un Comité Warhol
Les frais du procès sont estimés à 20 millions de francs, mais la Fondation a fait appel et les tribunaux entendront de nouveau l’affaire au mois d’octobre. Ces frais pourraient empêcher la Fondation de réunir les fonds nécessaires au financement de ses projets philanthropiques, pour lesquels elle dépense plus de 5 millions de francs par an. Le Musée Andy Warhol de Pittsburgh, ouvert l’année dernière, pourrait également subir les conséquences du procès.
Thomas Armstrong, son directeur, a en effet démissionné au début de l’année sans atteindre l’objectif qu’il s’était fixé de collecter 20 millions de dollars (100 millions de francs) pour la dotation du musée. Son projet aurait été contrecarré par la publicité donnée à ce litige.
Par ailleurs, la Fondation a annoncé, le 5 mai, la création du Andy Warhol Art Authentification Committee, Inc. Ce comité examinera l’authenticité des œuvres de l’artiste. Jusqu’ici, l’authentification de ses œuvres était effectuée au sein même de la Fondation, principalement par Vincent Fremont. Il travaillera désormais en collaboration avec le décorateur Jed Johnson, le conservateur David Whitney, ainsi qu’avec Neal Printz et George Frei, historiens de l’art qui préparent actuellement le catalogue raisonné de l’œuvre de Warhol.
Le comité aura à choisir entre trois verdicts possibles : déclaration d’authenticité adoptée à l’unanimité, refus de considérer l’œuvre examinée comme authentique ou, en cas de désaccord interne, attribution d’un statut intermédiaire qu’Arch Gillies, évoquant Tolkien, qualifie de "royaume du milieu".
Les marchands d’art s’accordent à penser qu’une authentification officielle est nécessaire à la bonne marche de leurs affaires, même si la Fondation se refuse à endosser la responsabilité d’une éventuelle erreur de jugement. Les faux prolifèrent en effet, particulièrement en Europe (et surtout en Italie), comme le rappelle Andrew Terner, un professionnel new-yorkais qui ajoute : "Je ne peux pas vendre un tableau sans certificat." Cette industrie du faux viserait également Keith Haring et Jean-Michel Basquiat.
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La Fondation Warhol fait appel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : La Fondation Warhol fait appel