Casque colonial sur la tête, vieilles lunettes d’aviateur par-dessus, chemise blanche au col boutonné, barbe de deux-trois jours, Jean Le Gac a tout l’air d’un personnage de roman. Il pose, l’air soucieux. Placé à même le
sol de la chapelle Notre-Dame du château de Saint-Germain-en-Laye, ce portrait photographique de l’artiste n’est autre que la pièce initiale d’un parcours fiction qu’il a imaginé – un de plus”Š”‰! – et qui nous entraîne à l’aventure d’une histoire de fouilles et d’archéologie. À ses côtés est placé un cartel sur lequel on peut lire”‰: « Le peintre cherchant une silhouette pour son nouveau rôle/œuvre. »
Casque colonial sur la tête, vieilles lunettes d’aviateur par-dessus, chemise blanche au col boutonné, barbe de deux-trois jours, Jean Le Gac a tout l’air d’un personnage de roman. Il pose, l’air soucieux. Placé à même le sol de la chapelle Notre-Dame du château de Saint-Germain-en-Laye, ce portrait photographique de l’artiste n’est autre que la pièce initiale d’un parcours fiction qu’il a imaginé – un de plus ! – et qui nous entraîne à l’aventure d’une histoire de fouilles et d’archéologie. À ses côtés est placé un cartel sur lequel on peut lire : « Le peintre cherchant une silhouette pour son nouveau rôle/œuvre. »
Un vrai sens de la mise en scène
Roman, fiction, jeux de rôle, depuis près de quarante ans Jean Le Gac endosse les habits et accomplit les faits et gestes d’un personnage qu’il appelle « le peintre ». Lui, son double, un autre... allez savoir ! Tout est possible. Au fil du temps, il ne cesse d’en alourdir la saga d’une multitude d’épisodes incroyables, se mettant en scène – non seulement lui, mais son entourage immédiat – selon un protocole d’une rigoureuse précision de détails. Dans le genre reconstitution quand cela est si bien fait qu’on ne peut plus distinguer entre le vrai et le faux, entre le réel et le jeu.
Envois postaux, cahiers, messages personnels, récits, scénarios, éditions, tournages... Jean Le Gac use des protocoles les plus variés. Il a un sens de la mise en scène et de la mise en espace à nul autre pareil. Il faut l’avoir vu diriger ses « acteurs », jouer lui-même tel ou tel rôle, régler le suspens de telle saynète le temps d’une prise de vue, aller en repérage d’un décor, etc. pour mesurer combien cet homme est une sorte de magicien à produire des histoires impossibles et pourtant toujours crédibles.
Il faut dire que Le Gac met toutes les cartes de son côté : un extraordinaire talent de dessinateur, une science imparable de l’installation in situ, un chineur de première classe qui lui permet de récupérer tout ce qu’il lui faut de matériel ad hoc, une passion irrépressible pour la bibliophilie, notamment pour les romans de gare, enfin une culture générale d’un éclectisme à tout crins, qui nourrit en permanence son imaginaire.
Si Jean Le Gac n’arrête pas, le peintre, quant à lui, parfois se délasse. Du moins l’a-t-il longtemps représenté dans toute une série d’arrêts sur image où il semble en effet lever le pied. L’esprit toujours éveillé toutefois, car c’est bien là la marque de fabrique de l’artiste : une curiosité et une soif de connaissance insatiables.
Fou de vieilles photos et de vieux papiers, le peintre est féru de narrations et d’illustrations. Il brasse les unes et les autres dans un joyeux « remue-mémoire », de sorte à déjouer tous les repères d’espace et de temps. Jean Le Gac n’aurait-il jamais reçu en cadeau des panoplies quand il était petit et en aurait-il tiré une indélébile amertume ? Le peintre a pris sa revanche. À Saint-Germain-en-Laye, il a planté son camp : sac à dos, pelle, cordes, sacoches et cartes. Tout l’attirail du parfait archéologue. La chasse au trésor est engagée.
« La chasse au trésor de Jean Le Gac », jusqu’au 5 mai 2008
musée d’Archéologie nationale, chapelle Notre-Dame, Saint-Germain-en-Laye
tél. 01 34 51 65 36
- Et le peintre. Tout
l’œuvre roman”‰: 1968-2003
Jean Le Gac 1968-2003, éd. Galilée, 2004, 418 p., 33,25€.
Entre biographie et fiction, les écrits de Jean Le Gac nous emmènent à la poursuite d’un homme qui pourrait être l’auteur lui-même. Ce jeu de piste littéraire gravite autour de l’œuvre picturale
de cet artiste facétieux.
- Habiter la peinture”‰:
exposition, fiction
avec Jean le Gac
Sandrine Morsillo, éd. L’Harmattan, 2004, 176 p., 15,50 €. Alimenté par les écrits de Buren et les pratiques de Jean Le Gac, Cécile Bart, Yves Klein, Bertrand Lavier, Georges Rousse, Frédéric Vaëssen
ou encore de Claude Rutauld, cet ouvrage, contrairement à son titre, ne traite pas d’une exposition de peinture, mais de l’influence du médium pictural sur la mise en scène d’installations.
- La Chasse au trésor
de Jean Le Gac
Daniel Abadie et Michel Butor, RMN Éditions, 100 p., 90 ill., 25 €.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Jean Le Gac le jeu brouillé de la mémoire
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Biographie
1936
Naissance à Alès (Gard).
1958
Obtient son diplôme de professeur de dessin et d’arts plastiques. Il enseigne à Béthune dans le Nord.
1970
Jean Le Gac entre à la Galerie Daniel Templon.
1972
Il est révélé lors
de l’exposition « Mythologie et l’art » à la documenta V à Kassel (Allemagne).
Le Gac est intégré au mouvement « narrative art » aux côtés de Boltanski et d’Annette Messager.
1984
« Un peintre de rêve » au musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
2008
Expose au musée d’Archéologie national de Saint-Germain-en-Laye (lire encadré).
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : Jean Le Gac le jeu brouillé de la mémoire