L’Unesco évoque de possibles poursuites contre Israël, une éventualité peu probable au vu de la situation actuelle.
Israël. Comme l’Unesco le rappelle à chaque attaque contre le patrimoine, le droit international oblige les belligérants à protéger les biens culturels, notamment la Convention de La Haye de 1954 et ses deux protocoles additionnels. Jusqu’à présent l’Unesco se bornait à ce rappel, mais dans son communiqué du 18 novembre sur l’inscription de 34 biens culturels libanais sous protection renforcée, l’organisation internationale évoque de « possibles poursuites » contre Israël (sans le citer nommément). Israël bombarde en effet sans relâche le sud et le centre du Liban, y compris à proximité immédiate de sites classés ou inscrits au Patrimoine mondial (lire JdA n°643). La destruction de biens culturels lors d’un conflit armé constitue un crime de guerre, et l’Unesco citait déjà, en juillet 2023, au sujet du bombardement d’Odessa (Ukraine), la résolution 2347 du Conseil de sécurité des Nations unies (2017), adoptée à l’unanimité : cette résolution qui concernait le trafic de biens culturels consolidait la notion de crime de guerre appliquée au patrimoine. Le cadre juridique existe donc, mais qui serait compétent pour poursuivre les responsables des destructions ?
Outre les tribunaux nationaux, c’est la Cour pénale internationale (CPI) qui poursuit les crimes de guerre commis par des individus, en vertu du Statut de Rome (1998). La Cour internationale de Justice (CIJ) peut uniquement poursuivre des États, mais aucun dossier pour destruction de biens culturels n’est ouvert sous sa juridiction, même dans le cas des poursuites intentées par l’Afrique du Sud contre Israël. La CPI peut être saisie par un État membre dont un ressortissant est accusé de crimes de guerre, par un État membre sur le territoire duquel les crimes ont été commis, ou par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le procureur de la CPI peut également s’autosaisir s’il a connaissance d’un dossier. Concernant les destructions de biens culturels, le statut de Rome et la CPI sont censés « mettre la pression sur les chefs militaires en insistant sur leur responsabilité individuelle avec l’article 8 », selon Vincent Négri, spécialiste du droit international (CNRS) qui ajoute « l’intentionnalité » comme élément à charge. En pratique, il est très difficile de poursuivre un responsable militaire devant la CPI pour destruction de biens culturels, et il existe un seul exemple à ce jour, le djihadiste malien Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi en 2016. Accusé par la justice malienne de la destruction intentionnelle en 2012 des mausolées de Tombouctou (dont une partie est inscrite au patrimoine mondial), le djihadiste a été condamné en 2016 par la CPI pour « crimes de guerre »à neuf ans de réclusion. Principal obstacle dans le cas du Liban, la non-reconnaissance par le Liban de la CPI (de son côté Israël a signé, mais pas ratifié le Statut de Rome). La Palestine en revanche est partie au Statut de Rome depuis 2015 malgré les protestations d’Israël, et pourrait en théorie demander des poursuites pour les destructions de sites archéologiques à Gaza ainsi que pour les massacres de civils. En l’état, les mandats d’arrêt émis par la CPI le 21 novembre contre deux responsables israéliens ne mentionnent pas de destruction de biens culturels, et des poursuites en ce sens semblent fort peu probables.
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Israël peut-il être poursuivi pour les destructions de sites patrimoniaux au Liban ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°644 du 29 novembre 2024, avec le titre suivant : Israël peut-il être poursuivi pour les destructions de sites patrimoniaux au Liban ?