À l’occasion de la rétrospective Hervé Masson et de la donation du galeriste Michel Dauberville pour le futur musée d’art moderne de l’île Maurice, tour d’horizon d’un paysage culturel fort de sa mixité.
Le soleil, le sable blanc et les lagons : telle est l’image, idyllique mais réductrice, que nous avons de l’île Maurice. Terre d’immigrés, ce pays jeune constitué de différentes communautés – catholique, musulmane, hindouiste… –, indépendant depuis 1968, possède d’autres atouts : son histoire et sa culture. Riche de sa mixité, le pays vit au rythme des fêtes religieuses et des cérémonies créoles, indiennes, chinoises…, et les centres culturels de chacun des groupes sont particulièrement dynamiques.
Si les musées sont nombreux, la question de la préservation de la mémoire de l’île n’apparaît pas comme la préoccupation principale de l’État. Privé (comme tous les musées de Maurice), le Musée de la photographie, à Port-Louis, dirigé par Tristan Bréville, est un véritable capharnaüm qui abrite une collection exceptionnelle, depuis les premiers daguerréotypes et plaques de verre jusqu’à aujourd’hui.
Plusieurs musées d’histoire sont à visiter. Si le Blue Penny Museum déçoit, L’Aventure du sucre mérite le détour. Créé et financé par la Mauritius Commercial Bank, le premier dispose d’importants moyens et propose une scénographie digne d’un grand musée pour évoquer l’histoire de Port-Louis. Objets, cartes, plans, porcelaines Ming, tableaux, photographies et maquettes livrent toutefois une approche parcellaire de l’histoire. Pour une vision plus juste, mieux vaut se rendre dans le second musée, qui, outre le récit de l’histoire du sucre – principale ressource du pays avec le textile et le tourisme –, retrace l’histoire du pays de manière instructive et passionnante. À ces deux institutions s’ajoutent le Musée postal, le Musée d’histoire national et le Musée d’histoire naturelle.
Création d’un musée d’art moderne
En matière de beaux-arts, il reste beaucoup à faire. À l’île Maurice, les expositions ne durent en général que quelques jours, exception faite de la rétrospective Hervé Masson (lire l’encadré) qui vient de fermer ses portes au Mahatma Gandhi Institute (MGI) – centre culturel indien qui abrite une école des beaux-arts, un espace d’exposition et organise chaque année le Salon de mai. L’événement a été rendu possible grâce à la participation d’une quinzaine de sponsors (dont les hôtels Beachcomber et la compagnie Air Mauritius) et du ministère des Arts et de la Culture.
Côté marché, on trouve quelques galeries d’art (Françoise Vrot, Hélène de Senneville, Raphaël), mais qui soutiennent peu les artistes mauriciens. L’artiste Firoz Ghanty explique qu’il expose aujourd’hui dans des lieux atypiques, reconnaissant avoir tenté sa chance auprès des galeries, à Maurice mais aussi à Paris (chez Daniel Templon). Une personnalité forte qui s’accommode des difficultés que son statut d’« artiste libre » engendre. Peu vivent de leur art. Le peintre et sculpteur Vaco fait figure d’exception, puisqu’il expose à Milan, Paris, Bruxelles et reçoit des commandes publiques et privées.
« Le rôle du galeriste est de chercher de nouveaux artistes, de promouvoir des talents, d’aller à la rencontre des collectionneurs et des amateurs d’art pour créer une envie et une habitude d’acheter », déclarait le galeriste parisien Michel Dauberville (Bernheim Jeune) lors d’une table ronde organisée à l’occasion de l’exposition Masson, où a été évoqué le caractère purement commercial des galeries mauriciennes. Michel Dauberville y a également émis l’idée d’instaurer des lois fiscales pour favoriser l’acquisition d’œuvres d’art par les particuliers et les entreprises, car les artistes mauriciens vendent à des étrangers, rarement à leurs compatriotes.
Enfin, un projet d’envergure devrait prochainement aboutir, la création d’un musée d’art moderne (National Art Gallery). Le château de Mon Plaisir, maison coloniale au cœur du jardin de Pamplemousses, est pressenti pour l’accueillir. Le bâtiment, restauré en 1996, pose néanmoins plusieurs problèmes. Lumière naturelle forte, humidité, termites ne semblent pas avoir été prises en compte pour l’instant. Thivynaidoo Perumal Naiken, le directeur du projet, assure que les mesures nécessaires seront prises. La collection permanente sera notamment composée du fonds du Mauritius Museum Council et de la donation d’une dizaine d’œuvres d’Hervé Masson appartenant à Michel Dauberville. Le musée, en partie financé par l’État, organisera également des expositions temporaires.
Peu connu en France, Hervé Masson (1919-1990) est à la fois un homme politique et une figure majeure de la peinture moderne à l’île Maurice. L’exposition qui s’est achevée le 3 juillet au MGI (Mahatma Ghandi Institute), montée grâce à l’énergie de Brigitte Masson, fille de l’artiste ; Bernard Lehembre, historien ; Barbara Luc, commissaire ; Christopher Charvériat, scénographe, et de nombreux prêteurs est la première de cette ampleur à Maurice. Son catalogue et la biographie qui sort simultanément devraient participer à la redécouverte de cet artiste marqué par le cubisme qui n’a cessé d’osciller entre figuration et abstraction. Parmi ses œuvres les plus significatives, on retiendra notamment un Nu à la fleur rouge (1966) et un Nu au rocher rouge (1965), deux œuvres définies par l’artiste comme des « métaformes » pour qualifier cet état intermédiaire, ce trouble poétique qui caractérise des compositions entre rêve et réalité, où les figures se fondent avec le décor. Un émouvant Portrait de Sibylle (1961) dans une gamme chromatique de verts subtils et Les Guitaristes (1962), comptent également parmi ses œuvres les plus significatives. Fin dessinateur et grand coloriste, Masson allie harmonieusement rigueur des compositions, sûreté du trait et sensualité des tons, dans une matière tour à tour épaisse, légère ou transparente. www.hervemasson.org, À lire : Bernard Lehembre, Masson, Hervé, dit Hervé-Masson, éd. L’Harmattan, 34 euros, et le catalogue de l’exposition, éd. La Maison des mécènes, 29 euros.
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Île Maurice, terre de cultures
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°219 du 8 juillet 2005, avec le titre suivant : Île Maurice, terre de cultures