Droit

DROIT INTERNATIONAL

Human Right Watch milite pour la Déclaration de Dublin 2022

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2024 - 709 mots

L’ONG veut faire avancer l’adoption et la mise en œuvre de ce texte sur la protection des civils contre l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.

Immeuble détruit suite à une attaque russe dans la ville d'Izum, région de Kharkiv, en Ukraine, en aout 2023. © State Emergency Service of Ukraine
Immeuble détruit suite à une attaque russe dans la ville d'Izum, région de Kharkiv, en Ukraine, en aout 2023.
© State Emergency Service of Ukraine

Monde. Protéger les populations civiles ou protéger le patrimoine : les armées et les gouvernements ne devraient pas avoir à choisir selon le droit international. C’est cette double nécessité que souligne le dernier rapport de Human Rights Watch (HRW) sur l’usage des armes explosives. L’ONG milite en effet pour faire adopter au niveau international une déclaration, proposée fin 2022 à Dublin. Cette « Déclaration sur la protection des populations civiles contre l’usage d’armes explosives » constitue une avancée pour le droit international selon HRW qui aligne les arguments pour faire évoluer le cadre juridique de référence (la Convention de La Haye 1954 et ses deux protocoles additionnels).

Les conflits actuels prouvent combien l’usage de missiles, obus et bombes est destructeur pour les zones densément peuplées, de par « l’effet de souffle et le périmètre de l’explosion » ainsi que le manque de précision, selon le rapport. Les bombardements incessants sur Kharkiv en Ukraine servent d’exemple et illustrent les conséquences de l’artillerie lourde sur le tissu urbain : des centaines d’immeubles détruits dont plusieurs bâtiments classés datant des années 1930. Les cas de Sarajevo en Bosnie dans les années 1990 et de Sanaa au Yémen (2015) sont aussi évoqués, tout comme Gaza avant le conflit actuel (le rapport a été rédigé début 2023). À chaque chapitre, le rapport cite des témoignages d’habitants et de responsables d’ONG locales. HRW rappelle enfin que la Déclaration propose une définition plus large du patrimoine culturel que celle de la Convention de La Haye, en intégrant le patrimoine immatériel.

Cette Déclaration a-t-elle une chance d’être adoptée par tous les pays et surtout appliquée ? Depuis fin 2022, elle a été signée par plus de 80 États (mais pas par la Russie ni Israël), dont presque tous les membres de l’OTAN. Selon le juriste Vincent Négri de l’Institut des sciences sociales du politique - ENS Paris-Saclay, « c’est un signe que le droit évolue, la Déclaration remet en lumière les obligations liées au respect de certains droits ». Il estime que lier protection du patrimoine et protection des civils sous l’angle des armes explosives est souhaitable, car « dans un conflit, c’est la culture des populations locales qui est à risque, et elle doit être protégée, y compris pour les populations réfugiées ». Le cas des populations arméniennes du Haut-Karabakh en est un exemple récent, comme celui des habitants de la bande de Gaza depuis octobre 2023.

Un texte très utopique

La Déclaration suggère plusieurs pistes pour améliorer cette protection, dont la formation d’officiers en charge du patrimoine au sein des armées. La France dispose déjà d’officiers de ce type avec la Délégation au patrimoine de l’armée de Terre (Delpat), et l’OTAN vient de créer une unité spécialisée sur ces questions. Vincent Négri concède que « la vocation d’une armée n’est pas d’assurer la protection pérenne des biens culturels », et la Déclaration envisage d’autres possibilités. Il serait utile, selon le texte, de modifier les autorisations lors de bombardements d’artillerie, avec une obligation d’obtenir l’autorisation des autorités civiles en amont. Cela semble utopique puisqu’il faudrait l’accord des états-majors et des représentants du pouvoir local, dans l’hypothèse où les deux États auraient signé cette Déclaration.

L’autre faiblesse du texte est qu’il reste non contraignant, contrairement à la Convention de La Haye et à celle de Genève (1949). Et il ne mentionne pas les acteurs non étatiques (Hamas, État islamique). Si ces entités ne peuvent signer de convention ou d’accord international, elles sont pourtant impliquées dans plusieurs conflits. Pour autant, Vincent Négri estime que le texte vient renforcer le droit international, qu’il faut envisager dans son ensemble : « C’est ce que l’on appelle le “soft law”. Cela s’ajoute à la Convention de 1954 et au statut de Rome de la Cour pénale internationale. Ce statut met la pression sur les militaires via leur responsabilité individuelle dans les destructions. » La Déclaration propose d’ailleurs de récolter des preuves de destructions de biens culturels et d’atteintes aux populations civiles sans se préoccuper de l’intentionnalité : une évolution par rapport à la Convention de La Haye. Vincent Négri précise qu’il suffirait de prouver que « les belligérants avaient connaissance de l’emplacement des sites patrimoniaux » lors des bombardements.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°634 du 24 mai 2024, avec le titre suivant : Human Right Watch milite pour la Déclaration de Dublin 2022

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