À l’initiative du ministre de la Culture, 400 œuvres des musées français sont actuellement exposées à Bakou, capitale de l’État d’Azerbaïdjan, un pays riche en ressources pétrolières. Les musées du Louvre, de Versailles, Caen, Dijon ou Montpellier, associés à quelques galeries parisiennes, ont été priés de participer à cette manifestation à caractère politique, destinée à servir les intérêts économiques et diplomatiques de la France.
BAKOU - Une récente réforme a-t-elle écarté le ministère de la Culture de l’action culturelle extérieure ? Qu’importe, la Rue de Valois a ses propres réseaux et entend bien participer au rayonnement de la France à l’étranger. C’est en tout cas ce qu’a tenté de démontrer Frédéric Mitterrand en s’envolant, le 9 mars, vers Bakou, capitale de l’État d’Azerbaïdjan. Là, il a inauguré une exposition de quelque 400 œuvres résumant à grands traits l’histoire de l’art français provenant des musées du Louvre ou de Versailles, mais aussi de Caen, Dijon ou Montpellier – enrôlés pour l’occasion – ainsi que de quelques galeries parisiennes comme Jérôme de Noirmont ou Emmanuel Perrotin. Présentée au Musée national des beaux-arts de Bakou, cette exposition au titre éculé à souhait, « Plaisirs de France. La création française de la Renaissance au XXe siècle » (« un titre facile à traduire », indique-t-on Rue de Valois), fera ensuite escale à Almaty, au Kazakhstan. D’autres étapes ont été envisagées, notamment en Ouzbékistan, avant d’être abandonnées pour des questions de sécurité des œuvres.
Un coût gardé secret
Pourquoi l’Azerbaïdjan ? Le nom du principal sponsor de la manifestation, le pétrolier Total, donne un indice. L’Azerbaïdjan, surnommé « le pays de feu », regorge en effet de pétrole. Via sa Fondation, Total est engagé de longue date en matière culturelle dans les pays producteurs d’hydrocarbures. Récemment, le ministère de la Culture du sultanat de Bruneï faisait même appel à la Fondation du pétrolier pour l’aider à restaurer son musée maritime. Mais avec « Plaisirs de France », la démarche a été tout autre. « C’est le cas de figure le plus basique en termes de mécénat dans lequel nous ne sommes sollicités que pour financer », admet-on au sein de la Fondation Total. En public, Frédéric Mitterrand revendique en effet avec fierté l’initiative de cette opération, lancée, un soir d’avril 2011, lors d’un dîner parisien en compagnie de l’épouse du chef de l’État azéri, Mehriban Aliyeva, qui ouvrira prochainement un centre culturel dans la capitale.
Car au-delà du simple intérêt économique pour un pays en pleine modernisation, les relations avec les Azéris sont aussi hautement diplomatiques. Notamment dans le contexte du vote par le Parlement français d’une loi sur le génocide arménien. Depuis plus de vingt ans, l’Azerbaïdjan – grand allié de la Turquie – est en effet engagé dans un conflit territorial armé avec l’Arménie, ennemi déclaré des Azéris. La pommade culturelle pouvait donc aussi aider à faire passer la pilule d’une loi française pro-arménienne.
En coulisse, il aura fallu s’activer pour mettre sur les rails, en quelques mois, ce projet hautement politique, dont le commissariat a été confié à Philippe Costamagna, directeur du Musée des beaux-arts d’Ajaccio, et la production à la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP). Son coût, financé en grande partie par l’État français et l’entreprise Total, a été jalousement gardé secret. En raison du nombre de prêts, il ne peut toutefois s’élever à moins de 2 millions d’euros. Et pour ceux qui n’auront pas eu la chance de s’envoler vers Bakou, il en restera un catalogue. Lénifiant à souhait.
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Histoire de l’art et pétrodollars
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°365 du 16 mars 2012, avec le titre suivant : Histoire de l’art et pétrodollars